En effet, la parole de la croix est folie pour ceux qui vont à leur perte, mais pour nous qui sommes sur la voie du salut, elle est puissance de Dieu. Car il est écrit : Je détruirai la sagesse des sages, j'anéantirai l'intelligence des intelligents. (1 Co 1,18-19)
lundi 16 novembre 2020
Traduire, d'abord
vendredi 13 novembre 2020
Le silence et l'absence
L'Église repose sur un type qui n'est plus là, c'est-à-dire, littéralement, sur rien. Et sur une parole qui, elle, reste, sur un souffle donné, l'immatérialité même.
L'espèce de bouillonnement autour de la question du "droit" à la célébration des cultes me semble assez symptomatique d'une grande peur. Confrontés au vide obligé, nous sommes tentés de remplir. Confrontés à l'arrêt obligé, nous sommes tentés de redémarrer quelque chose qui vienne recouvrir cette peur du vide.
Et si c'était l'occasion, plutôt, de se demander : quand tout s'arrête, que reste-t-il ?
Quand il n'y a plus de rassemblements, de chants, de prières à haute voix, de rencontres, que reste-t-il ?
Quand les activités d'Église s'arrêtent, que devient l'Église ?
Il nous est donné, dans ce temps bien étrange, de contempler ce qui ne se donne jamais à voir d'habitude : une Église toute nue, toute vide. Que voyons-nous ? Que reste-t-il ?
Ne serait-il pas temps de vraiment s'arrêter, et de vraiment regarder ce vide ? Ne serait-il pas temps de dire que toutes nos actions servent peut-être en temps ordinaire à recouvrir la peur du vide ?
Mais quelle peur ? Il y en a deux.
Il y a la peur que tout repose sur nous, que l'Église disparaisse si nous cessons de nous agiter. Alors bien sûr, on comble. Il faut produire du contenu. Il faut soulever la poussière. Il faut se sentir agir pour espérer que tout ne s'écroule pas complètement.
Mais surtout, il y a la peur de l'absence, bien plus fondamentale, bien plus importante, celle qui est au coeur même de notre foi. Celui qui nous appelés n'est plus là - et pourtant son Eglise existe bien. Le tombeau est vide - et pourtant la résurrection existe. Dieu se fait absence et nous laisse seuls, il se fait promesse et en appelle à notre désir de rencontre. Il échappe à notre main-mise sur lui. Il se fait, pour toujours, celui que nous ne pouvons posséder. Ça, c'est très angoissant : il ne nous reste plus que le lien de confiance avec un absent. Et pourtant, c'est avec cet absent que nous sommes invités à entrer en relation. Le vide n'est pas un handicap, c'est la condition même de ce lien. C'est parce qu'il est absent que la foi est possible...
Ne serait-il pas temps de ralentir, de mettre de côté les tentatives pour combler le silence et l'absence, pour accueillir cette absence... autrement ?
Pour habiter le silence et l'absence et laisser résonner cette question toute simple : où en êtes-vous avec Dieu en ce moment ?
mercredi 4 novembre 2020
Faire ou être ?
Si on arrête de faire des trucs d'Église, y a-t-il encore une Église ? Autrement dit, faut-il faire des trucs pour qu'il y ait une Église ? Ou pour poser la question autrement : si on enlève des choses, une par une, à la vie de l'Église, quand est-ce qu'il faut s'arrêter parce que si on enlève encore une chose, alors il n'y a plus d'Église ? C'est quoi la dernière chose qui fait qu'il y a une Église ? la chose indispensable ?
C'est l'appel de Dieu qui fait l'Église, et rien d'autre. Être une Église, c'est répondre ensemble à l'appel de Dieu. Comme on peut. Et par définition, l'appel de Dieu, on ne peut pas l'enlever, vu qu'il ne dépend pas du tout de nous : la chose première, la chose qu'on ne peut pas enlever, c'est l'appel de Dieu.
On pourrait aussi penser que ce qui fait l'Église c'est ce qu'on fait pour qu'elle soit active, visible et audible, pour qu'elle fasse le bien et dise le bon. On pourrait. Mais ce n'est pas du tout la même posture spirituelle.
Si on pense qu'il faut "faire" l'Église, alors on vit sous un impératif et on vit l'Église comme un poids, une montagne à gravir, un ensemble de choses à faire qui ne s'épuisent jamais. On va chercher à faire toujours mieux, toujours plus, pour lutter contre la disparition.
Si on pense qu'il suffit d'"être" l'Église, alors on vit sous le signe d'une liberté donné, d'un cadeau qui nous précède et nous offre l'espace d'une créativité toujours possible. On va chercher à faire, parce qu'on peut compter sur l'existence de l'Église qui ne dépend pas de nous.
Faire l'Église ? Être l'Église ? Ce sont des attitudes spirituelles opposées. Ce sont des expériences de l'Église opposées, aussi.
Par les temps qui courent, on en tirera des conclusions opposées. Pour faire l'Église, il faudra chercher à trouver les moyens de faire autrement ce qu'on fait d'habitude. Pour simplement être l'Église, rien à faire de particulier, mais une liberté qui s'ouvre de faire des choses qu'on ne fait pas d'habitude, juste parce que c'est possible, juste pour la joie de la liberté de rencontrer autrement, de réfléchir autrement, de créer autrement, de souffler autrement. Faire l'Église ? Être l'Église ? C'est une question, urgente, pour aujourd'hui.
samedi 13 juin 2020
A sa place
Jésus adressa une parabole aux invités parce qu'i remarquait comment ceux-ci choisissaient les premières places; il leur disait: Lorsque tu es invité par quelqu'un à des noces, ne va pas t'installer à la première place, de peur qu'une personne plus considérée que toi n'ait été invitée, et que celui qui vous a invités d'un et l'autre ne vienne te dire : "Cède-lui la place". Tu aurais alors la honte d'aller t'installer à la dernière place. Mais, lorsque tu es invité, va te mettre à la dernière!re place, afin qu'au moment où viendra celui qui t'a invité, il te dise : "Mon ami, monte plus haut !" Alors ce sera pour toi un honneur devant tous ceux qui seront à table avec toi. En effet, quiconque s'élève sera abaissé, et celui qui s'abaisse sera élevé.
lundi 8 juin 2020
Mérite
Tout ceci se traduit ainsi : "Je mérite le bien qui m'arrive, parce que je suis une bonne personne. Ils méritent le mal qui leur arrive, parce que ce sont de mauvaises personnes."
Quand vous avez passé votre vie à croire que vous êtes meilleur et que vous méritez le bon qui vous arrive, ou quand vous l'avez appris de gens que vous aimez et que vous auriez le sentiment de trahir si vous pensiez autrement, il est moins douloureux de vivre sous cette loi. Être dans les petits papiers de Dieu et en récolter les fruits. Regarder de travers ceux qui sont forcément en faute si le malheur leur échoit.
Il se trouve que Jésus met tout ça à l'envers.
Pour l'auteur de l'évangile selon Jean (au chapitre 9), cette question fait un tas de foin, à cause d'un type qui était aveugle, aveugle de naissance, et qui un jour croise la route de Jésus. Les disciples, bien renseignés sur la question des mérites et démérites et de ce que la religion est supposée en dire, se demandent qui a fauté, pour qu'il devienne aveugle : ça peut être lui (m'enfin il était bébé, alors quand même...) ou alors, évidemment, ses parents. Mais ça n'a quand même pas l'air bien solide comme idée, alors ils posent la question au type qu'ils suivent depuis un moment et qui a l'air d'avoir des idées bien arrêtées sur un certain nombre de choses : Jésus.
Evidemment, il répond à côté. Ni l'un ni les autres, dit-il. Et il ajoute un truc sur le fait qu'on peut travailler pendant qu'il fait jour et que ça tombe bien, c'est lui la lumière du monde. Et un autre truc sur la gloire de Dieu. Et paf, il guérit le type. Le foin ne s'arrête pas là : tout un tas de gens convoquent tout un tas de gens pour éclaircir cette histoire, et demander pourquoi l'ordre naturel des choses était remis en question, un jour de sabbat en plus. Ils ne voient pas du tout comment ça peut se faire. Ce type qui n'avait pas mérité la guérison, qui avait même mérité par son péché l'injustice qui le frappait, qu'ils disaient, il ne fallait quand même pas être grand druide pour voir que c'était une vaste fumisterie. Y a pas de "faut voir", c'est tout vu - et ils le fichent dehors.
Bon. Et nous, on fait quoi ? On essaye de voir ou pas ? On essaye de voir ou on préfère notre aveuglement ? On en fait quoi, de cette question du mérite ?
On peut tout à fait croire qu'on a mérité le bon et que les autres méritent le mal. La question est alors : est-ce bien chrétien, comme sentiment ?
Au moment de la Réforme, on a beaucoup agité cette question : peut-on ajouter à ses mérites en payant (ça s'appelle les indulgences) ? Peut-on sauver ceux qui sont déjà morts en leur payant des mérites pour les sortir du purgatoire ? Plus tard, la question a évolué, mais on ne s'en est jamais vraiment débarrassé. Quand des êtres humains ont été réduits à néant parce qu'ils ne méritaient pas d'être en vie, on a dit pour justifier ça qu'ils n'étaient pas vraiment humains. Des humains méritent le respect, oui - mais ceux-là ne l'étaient pas. La question est toujours : est-ce bien chrétien, comme sentiment ?
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Henri Lindegaard |
mardi 14 avril 2020
Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ?
Le confinement, oui c'est dur. Ça fait une grosse rupture dans notre vie, ça bouscule, ça questionne, ça angoisse, ça nous pousse à chercher des choses drôles à regarder, ça nous encourage à cocooner, à retrouver ce qui nous fait du bien dans le quotidien. Mais... vous savez qui nous remercie et nous déteste à la fois, en ce moment, au spectacle de nos affres ?
Ceux qui prenaient en plein coeur l'injonction à aimer leur vie alors que leur vie est détestable
Ne cessons pas d'échanger nos vidéos rigolotes, nous en avons besoin. Ne lâchons pas nos téléphones, ils sont une ligne de vie. Ne lâchons pas sur l'essentiel, qui est de se sentir vivant même au milieu de ce qui semble mort. Mais n'oublions pas - surtout n'oublions pas que notre exceptionnel d'aujourd'hui, c'est l'ordinaire de tous les jours pour beaucoup.
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Van Gogh, Les mangeurs de patates |
dimanche 12 avril 2020
Parmi les vivants
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Jean-Marc Pascolo, Pommier en fleur à Murrhardt |