mercredi 30 janvier 2019

Un Dieu auquel ne pas croire

- Mon chaton, que fais-tu ?
- Mmmh, rien.
- Tes yeux m'observent.
- Mes yeux oui, mais ma volonté non.
- Ta volonté, ce n'est pas toi ?
- Il y a tant de moi qui dépasse ma volonté, mon humaine...
- Et moi qui croyais que c'était une spécificité humaine. As-tu un inconscient ?
- Je ne suis pas sûr que je le saurais, si j'en avais un.
- Cette conversation devient très compliquée.
- Je te signale en passant que c'est dans ta tête, que c'est compliqué, vu que tu me causes alors que, dans la réalité, tu te parles à toi-même.
- ...
- Au fait, mon humaine, je suis arrivé à une conclusion.
- Laquelle ?
- Tu vas aimer. "Les athées sont ceux qui ont le plus besoin de Dieu".
- Oui, mais quel est ton raisonnement ?
- Et bien ceci : ils ont besoin d'un Dieu auquel ne pas croire.
- ...

mercredi 23 janvier 2019

D'ici ou d'ailleurs

Être d'ici, ça n'est pas forcément évident. Savoir qui on est, ça ne va pas de soi. On peut se sentir d'une nationalité particulière parce qu'on embrasse pleinement son histoire, ce qu'on pense être sa culture, l'héritage de mots, d'idées et de sentiments qui va avec l'idée d'un pays - mais on peut aussi se sentir "être de quelque part" juste par un accident de l'histoire, parce qu'on est né là, de ces parents-là, sans jamais parvenir à investir totalement cette appartenance. Se sentir être "de quelque part", c'est parfois défini comme une vertu, comme si ça allait de soi, mais ça ne va jamais de soi. Dans l'ordre des loyautés dues, il y a une façon très simple de dire qu'on doit d'abord sa loyauté à ses très proches, sa famille immédiate, puis à une famille élargie, puis à un clan, une région peut-être, puis à son pays. Mais est-ce si évident ? Qui l'a décrété ? Et pour tous ceux qui ont une carte d'identité d'un pays particulier, mais qui se sentent rejetés par ce pays, comment ça se tricote, cette question-là ? 
Le sentiment d'appartenance, pour un humain, ça ne va jamais de soi. Être de quelque part, ça ne va pas de soi. Pourtant, on peut toujours trouver quelque chose à dire sur la question. On peut toujours désigner plus ou moins les groupes humains dont on est membre. C'est parfois problématique, mais ça peut se dire.
Être "étranger", par contre, ne peut pas se définir en soi. Est étranger celui qui "n'est pas d'ici", c'est une définition négative, une case vide. Un étranger en soi n'existe pas. Un étranger n'existe que par rapport à d'autres qu'il n'est pas. 
Lorsque Dieu s'adresse au peuple d'Israël dans ses nombreuses tribulations, il lui rappelle qu'il n'est pas comme les autres, les installés, les résidents du pays, mais qu'il est un perpétuel exilé. Dans le Nouveau Testament aussi, il est question de ces croyants qui se sont reconnus publiquement étrangers et voyageurs sur la terre (Hb 11,13) et qui aspirent à leur véritable patrie : celle que Dieu leur donne. 
Le texte biblique inscrit au coeur même de l'expérience de la foi l'étrangeté, la non-appartenance, l'exil, toutes choses qui ne peuvent se définir qu'en creux, par rapport à ceux qui ne sont pas étrangers, qui appartiennent à un lieu, qui ont un port d'attache. Le croyant est en exil... Le croyant est un étranger. 

(c) PRG

mardi 22 janvier 2019

Cartoon Minister



(- Nourris-moi !) 
- Conseille-moi !
(- Visite-moi ! )
(- Fais de moi un disciple !)
(- Redresse-moi !)
(- Donne-moi ce que je veux !)
(- Aime-moi !)
(- Encourage-moi !)
(- Réconforte-moi !)

lundi 21 janvier 2019

La liberté d'habiter ta vie

Ecoute, Baruch... Tu t’adresses à un faux Dieu qui te laisserait, lui, faire de grandes choses de ta vie. Mais ce n’est pas ton faux dieu qui te répond. Celui qui te répond, c’est Dieu, Dieu lui-même, qui te donne le seul cadeau possible dans cette vie humaine : ta vie même. Quand le malheur sera passé, tu courras sur le champ de bataille comme tous les pillards – mais la seule chose qu’il te sera donné de prendre, ce n’est pas la richesse, le butin, les restes des hommes tombés à terre et qui pourraient avoir la moindre valeur. Tu ne partiras pas avec des armes, de l’or et des vêtements pillés aux autres. Tu partiras, bien vivant et debout, avec la seule chose qui puisse t’appartenir en propre : ta vie. C’est le Seigneur qui te l’a donnée et qui te la donne, chaque jour à nouveau. A toi, il t’est donné le privilège d’avoir la vie sauve, partout où tu iras. Tu as la vie sauve, Baruch. Tu es sauvé. Ecoute cette Parole qui t’est adressée, et sois vivant. Sois vivant et en marche, aujourd’hui, demain, toujours !

Tu as désormais la liberté d’habiter cette vie qui t’est donnée, pour rien, par grâce. Tu es gracié. Tu es sauvé. Tu es libéré de ces faux dieux auxquels tu sacrifiais ta vie. Tu es libre de vivre, vivant, marchant, partout où tu iras.

Nous sommes tous des Baruch. Nous sacrifions tous aux faux dieux à qui nous attribuons notre malheur. Nous voyons le monde s’émietter autour de nous et nous croyons que nous allons sombrer avec lui. Et nous en appelons à un Dieu de malheur dont nous croyons qu’il nous en veut tellement qu’il nous veut misérables, accablés de douleur. Mais quel Dieu invoquons-nous ? Est-ce un Dieu silencieux et cruel – ou un Dieu qui nous veut vivants, à l’écoute de sa Parole toujours renouvelée ?

Les dieux que nous nous imposons, ce sont des dieux qui disent « tu dois ! ». Quand nous croyons les entendre, nous nous disons « je dois » : je dois faire mieux, je dois aller mieux, je dois avoir de grands projets pour moi-même. Nous entendons « il faut ! ». Il faut changer le monde, il faut faire mieux que le voisin, il faut croire exactement comme il faut, il faut suivre aveuglément ce que nous entendons. Il faut vite ramasser comme butin toutes les richesses qui passent, parce qu’on ne sait pas de quoi demain sera fait. Il faut être comme il faut.

Mais voyez-vous, un jour ou l’autre, nous pouvons faire le deuil de ces faux dieux, de ces dieux que nous nous imposons, pour rencontrer un Dieu que nous n’avions jamais imaginé.

Le Dieu qui nous parle, celui qui nous parle vraiment, et que nous pouvons vraiment entendre, Dieu nous dit « tu peux ». Tu peux ! Ta vie t’a été donnée. Tu es libre d’agir, libéré de toutes les idoles. Tu peux vivre en sauvé, car ta vie est sauve. Ce n’est plus « tu dois » mais « tu peux » !



vendredi 18 janvier 2019

Ecoute, Baruch !

Parole que Jérémie, le prophète, adressa à Baruch, fils de Nériya, lorsque celui-ci écrivit dans un livre ces paroles, sous la dictée de Jérémie, la quatrième année de Joïaqim, fils de Josias, roi de Juda :
Ainsi parle le Seigneur, le Dieu d’Israël, sur toi, Baruch : Tu dis : « Quel malheur pour moi ! Le Seigneur ajoute le tourment à ma douleur ; je me fatigue à force de gémir, et je ne trouve pas le repos ! » C’est ainsi que tu lui parleras : Ainsi parle le Seigneur : Je rase ce que j’ai bâti, je déracine ce que j’ai planté – tout ce pays. Et toi, tu rechercherais de grandes choses ? Ne les recherche pas ! Car je fais venir le malheur sur tous, – déclaration du Seigneur – mais je te donnerai ta vie pour butin, dans tous les lieux où tu iras. (Livre de Jérémie, chapitre 45)

Le temps où vivent le prophète Jérémie et Baruch, son secrétaire, est un temps troublé. Jérémie passe son temps à annoncer la colère de Dieu à un peuple qui refuse de l’entendre. La catastrophe est aux portes, elle arrive, elle est là. Dans un monde aussi troublé, quoi de bien surprenant à ce qu’un homme, Baruch, se lamente ? Quoi de surprenant à ce qu’il en appelle à Dieu pour cesser de l’accabler de tourments ?

Mais quel Dieu invoques-tu, Baruch ? Quel est ce Dieu à qui tu reproches le malheur qui t’accable ? Tu dis « si seulement Dieu cessait de m’accabler, en plus de tous les coups du sort que je subis déjà, alors je pourrais faire tant de choses ! ». Tu dis que ta vie est un enfer et que tu voudrais être libre du malheur. Tu dis que le monde est contre toi et que Dieu s’en fait le complice. Mais quel Dieu invoques-tu, Baruch ? Celui qui t’empêche d’exister ? Celui qui te condamne au chagrin ? Mais ce Dieu-là ne parle pas, Baruch. Ce Dieu que tu te donnes, il n’est que le reflet de toi-même. Celui qui t’enferme, t’épuise et te condamne. C’est le Dieu silencieux de la mort et du désespoir. Et tu y crois à ce Dieu – tu lui abandonnes ton existence tout entière. Mais est-ce bien le Dieu d’Israël, le Dieu qui parle ? 

Ecoute, Baruch ! Ecoute le Dieu qui parle. Il te parle d’un monde à l’agonie, d’un monde qui se termine. Il te parle d’un monde qu’il tient dans sa main. Demain, Dieu l’annonce, il détruira ce qu’il a semé. Il arrachera lui-même toutes les mauvaises herbes du champ qu’il a ensemencé. Le monde n’a plus de sens, mais Dieu ne se résout pas à laisser le monde dans le chaos. Il recommencera à nouveau, pour trouver à nouveau une terre fertile où sa Parole ne tombera pas en vain. Ce Dieu-là ne cesse jamais de vouloir parler. Il ne cesse jamais de s’adresser à toi, au milieu des ruines, quand tout semble perdu. Ton désespoir est vivace, mais il n’est pas au cœur de ta vie. Au cœur de ta vie subsiste cette Parole qui s’adresse à toi, et rien qu’à toi. Ecoute, Baruch ! 

Jérémie traduit en françois

jeudi 17 janvier 2019

Petit père siffle

- Mon chaton ! Le mimosa est en fleur !
- Ca me fait une belle patte.
- Grumpy, va ! 
- Je ne sais pas de quoi tu parles.
- Et j'ai vu des chatons sur des arbres, aussi.
- Des chatons ? Et pourquoi tu t'intéresses à des chatons ? Je ne te suffis plus, c'est ça ? Dis-le, va. Je ne serai pas vexé.
- Pas vexé, tu es sûr ?
- Mais oui mon humaine. Tu es chrétienne, tu as un grand coeur, tu peux aimer beaucoup de monde, je comprends.
- Mon chaton, mon petit doigt me dit que tu persifles.
- Je ne siffle ni ne persifle, mon humaine, je laisse simplement l'amertume des jours colorer mes paroles.
- Mais enfin, chaton, de quoi s'agit-il au juste ?
- Rien. Rien du tout. 
- Ah. Bien. Au fait, tu sais, c'est les soldes...
- Ah. Passionnant. 
- ... et j'ai vu passer sur un réseau social (désolée, j'ai perdu la trace de qui l'a donnée ainsi à voir au monde) une photo qui m'épate tout à fait.
- Un jeu de mots, je suppose ? Ca a tendance à te dépatter - moi, ça me dépasse.
- Mon chaton, ce n'est pas un bon jour pour que tu fasses des jeux de mots toi-même, si je puis me permettre.
- Tu ne puis, justement.
- Je... Soit. Tu veux savoir ce que c'est, la photo ?
- Pfff...
- OK, puisque tu y tiens tant, la voici : 
- Et c'est supposé être drôle ?
- Mon chaton, ça m'a arraché une belle rigolade en effet, mais tu me connais...
- ... si peu, au fond...
- ... ça finit toujours par me faire cogiter à des choses théologiques, on ne se refait pas...
- ... enfin pas toujours...
- ... et par une association d'idées tout à fait précaire et instable, j'en suis venue à me demander si ça ne dit pas quelque chose sur la prédication.
- Alors ça, je ne sais pas où tu vas le pêcher...
- ... tu vas voir. L'autre jour, j'ai longuement discuté avec une dame qui venait d'apprendre que j'étais pasteure et je crois que ça lui a fait un choc. Elle m'a dit qu'elle avait assisté une fois à un office religieux, pour un enterrement, et qu'elle avait été profondément choquée par la liturgie qui parlait longuement de "Dieu le Père".
- Choquée ? Et quel rapport avec les manteaux mentaux ?
- Et bien elle m'a dit que quand elle a entendu ça, elle n'a pas du tout vu l'image d'un père qui se préoccupe de ses enfants et qui les voit grandir avec joie.
- Non ?
- Non. Elle m'a dit qu'elle, elle avait peur de son père. Et ce qu'elle a entendu, malgré elle, ce jour-là, c'est un message de la part d'un père qui la terrorisait autant que son propre père. Rien que le mot "père" l'empêchait d'entendre autre chose. Et c'était bien malgré elle, parce qu'elle savait très bien, intellectuellement, que ce n'était pas du tout de ça qu'il s'agissait, mais elle ne pouvait pas s'en empêcher.
- Et qu'est-ce que tu as dit ?
- Ca, chaton, c'est entre elle et moi (et Dieu). Mais du coup, je me dis que dans nos célébrations, tous ceux qui sont là entendent des mots qui ont pour eux des résonnances que nous ne voyons pas forcément quand on les prépare et quand on les dit, et que ouvre pour eux des constellations de sens extraordinaires. Tiens, en cette semaine de prière pour l'unité des chrétiens, un catholique et un protestant qui entendra le mot "saint" ne comprendra pas du tout la même chose, mais les célébrants n'en auront pas forcément conscience.
- Et les manteaux, là-dedans ?
- Et bien les manteaux, ça me dit que quand on voit une affiche rigolote sur une vitrine, on peut en rire, on peut même se moquer, mais au moins ça ouvre des avenues de sens, on ne reste pas figé sur le mot. En matière de religion par contre...
- Mon humaine ?
- Mon chaton ?
- Tu réalises que ça fait bien vingt minutes que tu dis des choses ?
- Voui ? Et ?
- Et ça fait vingt minutes que je suis assis là. A côté de ma gamelle. Vide.
- Et... Oooooh. 
- Oui.
- Tu es en train de me dire que faire des noeuds de mots et d'idées c'est bien beau, mais que si on n'a pas les yeux à ce qu'on fait, ça ne sert à rien.
- Si c'est comme ça que tu comprends le message, oui, c'est ça que je dis.

Tardar Sauce

mercredi 16 janvier 2019

Les idoles

Finalement le Seigneur ton Dieu te livrera ces peuples ; une grande panique les saisira et les conduira à leur perte. Il livrera leurs rois en ton pouvoir et tu effaceras jusqu'à leur nom sur la terre ; aucun d'entre eux ne tiendra devant toi, tu finiras par les supprimer tous. Alors vous brûlerez les statutes de leurs dieux. Ne te laisse pas tenter par leur revêtement d'or ou d'argent, ne les prends pas pour toi, car le Seigneur ton Dieu juge cela abominable ; ce butin ferait ton malheur. Qu'aucune idole de ce genre ne soit introduite dans ta maison. Si c'était le cas, tu mériterais d'être détruit avec elle. En effet, de tels objets doivent être complètement détruits, tu dois les détester, les avoir en horreur. (Deutéronome 7,23-26)

Le peuple d'Israël, libéré de l'esclavage, a traversé le désert et se tient à la frontière du pays promis par Dieu. Moïse, qui a reçu les instructions de la part de Dieu sur la suite des événements, rapporte ces paroles au peuple. Il sait déjà que, lui, il n'entrera pas en terre promise, pour une sombre histoire d'ordres qui n'ont pas été suivis par des hommes du peuple sous sa responsabilité. Pour le peuple à qui Moïse transmet les instructions, il s'agit de marcher droit et de ne pas oublier ce qui a permis cette chose extraordinaire, sur le point de se produire : ce peuple en déroute, ces quelques migrants, enfants de migrants qui étaient eux-mêmes les enfants d'esclaves, se voit offrir par Dieu une terre où ils pourront vivre en paix. Hélas, la paix n'est pas pour tout de suite. Il va falloir se battre contre ceux qui sont déjà là, avec l'aide de Dieu certes, mais enfin, c'est la guerre qui va inaugurer l'entrée en terre promise. La guerre et l'ordre de faire disparaître tout ce qui risquerait de pervertir la foi du peuple d'Israël. 
Pourquoi ? A cause de l'orgueil. Parce que dans le confort, dans l'abondance, on oublie la libération qui a permis d'accéder à ce confort et à cette abondance. On finit par croire que si on a tout ça, c'est parce qu'on le méritait bien. Ou parce qu'on l'a gagné. Jésus reprochait aux Pharisiens leur orgueil, eux qui mettaient leur fierté dans leur piété et dans leur apparence, en oubliant qu'à l'intérieur, ils étaient aussi déglingués que les autres, aussi dépendants de la grâce imméritée. Ils s'étaient installés dans le confort de leur certitude d'être dans le vrai par eux-mêmes. 
Le peuple d'Israël court le risque de se confier à Dieu au moment où il en attend tout, pour aussitôt l'oublier lorsqu'il sera installé. Il court le risque d'oublier qu'il est toujours rebelle, dans le besoin comme dans le confort. En ce sens, oui, oublier, c'est disparaître. 
Se souvenir du Dieu libérateur, c'est refuser de se rendre esclave d'autre chose. Inversement et pour la même raison, dans d'autres passages du Deutéronome, se souvenir du Dieu libérateur, c'est aussi refuser de rendre esclaves les plus faibles, les orphelins, les veuves, les immigrés. 
Quelles sont, pour nous, dans le monde qui est le nôtre, ces idoles qui représentent ce qu'il faut refuser ? Que faudrait-il avoir en horreur ? Quel butin pourrait-il faire notre malheur ? Nous aimons les idoles, elles nous rassurent. Mais au fond, elles sont le symbole de notre oubli... 

lundi 14 janvier 2019

Prédestination

- Mon humaine, t'es protestante ?
- Oui chaton.
- Alors tu crois à la prédestination ?
- La prédestination n'est pas un objet de foi, c'est une façon de dire ce qu'est la foi.
- Mais tu y crois ?
- Ca n'a pas de sens de dire ça. Je comprends pourquoi c'est une notion qui a surgi régulièrement au cours des siècles dans l'histoire de l'Eglise.
- Ah, et pourquoi ?
- Parce que c'est une façon simple de dire que l'être humain n'a aucun moyen de se gagner son paradis tout seul à la force de ses petits bras.
- Et tout le monde n'est pas d'accord là-dessus ?
- Personne n'est d'accord là-dessus ! Personne n'y croit véritablement ! La grâce gratuite, c'est un scandale et une folie...
- ... comme dirait Paul, oui je sais. On a déjà eu cette conversation. Souvent.
- C'est pour ça que c'est un objet de foi, de confiance, et pas un savoir. On ne peut jamais le savoir, on peut seulement l'espérer, au sens le plus vaste et le plus beau de l'espérance.
- Mais au cours de l'histoire...
- ... au cours de l'histoire, il y a eu comme des cristalisations de la position opposée, selon laquelle, si, on peut se payer son paradis.
- Les indulgences ?
- Les indulgences par exemple. La pièce sonne dans la boîte et une âme s'envole du purgatoire, c'était la promesse, oui. Mais au nom de quoi on peut prédire à la place de Dieu le destin d'une âme humaine ? Les réformateurs se sont radicalement opposés à l'idée qu'on pourrait décider à la place de Dieu du salut des âmes, ou pire, acheter auprès de l'Eglise le salut d'une âme. Calvin a formulé la doctrine de la prédestination pour dire fortement que l'Eglise n'est pas là pour dire qui est sauvé et qui ne l'est pas : ça revient strictement à Dieu, et c'est inconnaissable par les humains. Et étrangement, c'est très rassurant : si la question du salut de ton âme est déjà réglée, ça t'évite bien des tourments sur ce que tu pourrais bien faire pour y changer quelque chose. Tu peux consacrer ton temps, ton argent, ton énergie et ta vie à d'autres choses. Sauf que, forcément, on se souvient de la doctrine de la prédestination comme d'une menace qui pèse sur notre salut... si tout est décidé d'avance, alors à quoi sert de vivre ? La ligne de partage entre ces deux positions, elle est dans le coeur de chaque être humain... 
- Alors ça n'est pas la signature des protestants ?
- Tu sais, au risque de sembler un peu blasée sur la question, je crains qu'une bonne partie des protestants ne sache pas au juste de quoi il s'agit de nos jours. 
- Mais c'est important ? 
- C'est important de comprendre qu'on hérite de notre façon de parler de la foi. C'est important de ne pas se laisser prendre au piège de la croyance en une foi pure, qui n'aurait pas besoin de théologie pour se dire, ou d'une Eglise qui administre simplement le quotidien sans jamais se poser la question de ce qu'elle dit et pourquoi elle le dit ainsi. Et puis, réfléchir, souvent, ça évite d'avoir peur... 
- Peur ? de quoi ? pourquoi ?
- Parce qu'il y a une façon de vivre sa foi qui cherche la menace la plus grande, comme s'il y avait une sorte de fascination à croire le pire de la part de Dieu. Quand tu es pasteur, c'est souvent tout l'enjeu : aider autrui à se dépétrer de sa peur. 
- C'est possible ?
- C'est un chemin... C'est très beau, quand ça arrive.

Lelio Orsi, Le chemin d'Emmaüs

vendredi 11 janvier 2019

La nuit, tous les chats

- Mon humaine, il y a une chose que je ne comprends pas...
- Une seule ? tu en as, de la chance.
- Pourquoi vous autres les humains, vous avez peur d'être en dette ?
- Mais mon chaton, c'est tout simple : parce qu'une dette pèse sur l'avenir.
- Je ne comprends pas.
- C'est simple : il y a deux façons d'envisager l'avenir. Soit tu considères que c'est un plan tout tracé pour toi qu'il n'y a plus qu'à accomplir - soit tu penses que c'est une page blanche sur laquelle tout reste à écrire.
- Mioui ?
- Et bien il arrive qu'on sente peser sur soi une dette comme quelque chose qui pré-écrit la page. Ca fait porter une ombre sur l'avenir, une ombre qui vient du passé.
- Et c'est pas bien ?
- Ca dépend comment tu le vis, je suppose...
- Vous et l'argent, je comprendrai jamais.
- C'est parce que tu n'as pas de poches, mon chaton.

(c) PRG

mercredi 9 janvier 2019

Nous vivons de ce que nous n'avons pas gagné

L'Eglise est cet administrateur malhonnête, qui gère les biens de Dieu. Elle ne les possède pas et elle les dilapide. C'est d'ailleurs son être même, et sa fonction...
En ce sens, il n'est pas étonnant que le Seigneur s'en réjouisse. L'Eglise n'est pas là pour se montrer la propriétaire de la grâce de Dieu, mais pour l'annoncer, la mettre en mots, en oeuvre, en route... la dilapider... 
Lorsque quelqu'un s'approche et se sent en dette envers Dieu, il revient à l'Eglise d'annoncer que cette dette relève de l'imaginaire, car les biens de Dieu ne nous mettent pas en dette, ils nous ouvrent un horizon nouveau. 
Je dis l'Eglise, mais je devrais plutôt dire qu'il s'agit de chacun, individuellement, aussi. Personne ne peut se faire le maître de Dieu, le possesseur des biens de Dieu. Chacun en vit, par-delà toute mesure, sans le mériter. D'une certaine façon, c'est du vol... mais c'est bien. C'est ainsi. Ce dont je vis, je ne l'ai pas gagné ! 
Soyons malhonnêtes envers les biens de Dieu, car si nous faisons semblant d'être honnêtes, de les mériter, c'est alors que nous les volons... Se montrer intelligents au regard de Dieu, c'est ne pas craindre de vivre de ce que lui prenons, c'est ne pas craindre de distribuer largement ce que nous avons ainsi pu avoir, qui n'est pas à nous. Ce qui passe ainsi à travers nous, jamais nous ne le possédons. C'est ainsi. Et c'est bien. 


mardi 8 janvier 2019

L'administrateur futé

Jésus disait encore ceci aux disciples : il était une fois un homme riche qui employait quelqu'un pour administrer ses biens. On vint lui raconter que cet homme le trahissait en gaspillant ses biens. Alors il l'appela et lui dit ceci : "Qu'est-ce que j'entends à ton propos ?! Tu me dois des comptes ! Et d'ailleurs, ta gestion de mes biens, c'est fini !"
Le gérant se dit alors in petto : "Que vais-je faire... mon seigneur m'enlève ma gérance... Je pourrais faire jardinier, mais je ne suis pas assez costaud. Je pourrais mendier, mais j'aurais trop honte. Je sais ! Voilà ce que je vais faire pour le jour où je vais être renvoyé, pour continuer à être reçu chez les gens..."
Il convoqua alors tous ceux qui devaient quelque chose à son seigneur et il dit au premier : "Combien dois-tu à mon seigneur ?" Celui-ci répondit : "Cent barils d'huile". Alors il lui dit : "Vite, prends ta reconnaissance de dette et écris cinquante à la place". A un autre il demanda : "Et toi, combien lui dois-tu ?" Il répondit : "Cent mesures de grain". Alors il lui dit : "Prends ta reconnaissance de dette et écrits quatre-vingt".
Le maître du gérant malhonnête, alors, chanta ses louanges, parce qu'il avait agi intelligemment. En effet, les enfants de l'époque actuelle sont plus futés que les enfants de lumière envers leurs semblables.
Jésus poursuivit : Moi, je vous le dis, faites-vous des amis avec l'argent de ce monde, comme ça, le jour où vous n'en aurez plus, ils vous recevront dans les tentes éternelles... (Lc 16,1-9)


Il s'agit donc de préserver ce bien ultime : continuer à être reçu chez autrui. Tout est possible et même tout est bon à cette fin, y compris le vol des biens de celui dont on dépend pour sa subsistance. Etrange, n'est-ce pas ?

- Mon humaine ?
- Mmmhhh... ?
- Le seigneur, là, c'est le Seigneur, non ?
- Avec une majuscule ? C'est probable qu'on puisse tirer une conclusion de ce genre, oui.
- Donc on peut voler Dieu du moment que ça permet d'acheter l'hospitalité de son prochain ? Vous êtes fous, vous les humains. Il faut croire que Dieu est dupe ?
- Croquettes contre maison, qui est la dupe de qui, dis-moi, mon adorable minouchon ?
- ...

(c) PRG

lundi 7 janvier 2019

Le mur chinois

- Mon humaine, pourquoi tu rigoles ?
- Je ne rigole pas mon chaton, je pouffe. C'est nettement plus distingué.
- ... Si tu veux. Mais pourquoi, donc, pouffes-tu ?
- Tu sais, ce que je regarde en ce moment dans la boîte à images qui bougent ?
- La télé ? je sais ce que c'est qu'une télé, tu sais. C'est le truc qui te distrait, le temps que je me faufile sur tes genoux le soir.
- Oui, ça. Alors en ce moment, je regarde un truc sur un cabinet d'avocats.
- Et c'est drôle ? Attends, laisse-moi deviner, tu vas nous expliquer que "avocat" ou "défenseur", c'est un des titres du Saint-Esprit, c'est ça ?
- Tu viens de faire la preuve que tu es bien plus futé que moi, mon chaton. Non, je pensais à truc tout à fait différent. Dans l'épisode d'hier soir, il était question d'un "mur chinois".
- Le jeu ? Quand il faut passer d'un côté à l'autre d'une ligne imaginaire sans se faire toucher au passage ?
- Mais... attends, tu es un chat, comment connais-tu un jeu pareil ?
- Tu sais, quand tu envisageais de passer le BAFA ?
- Je... Incroyable. C'est toi qui devrais être pasteur.
- C'est pas moi qui ai inventé la règle de "les humains seulement".
- Je... Bref. C'est pas la discussion du jour.
- OK. Je t'écoute. Laisse parler ta vérité, mon humaine.
- Je... Hmmff. Bien, je disais donc, dans l'épisode d'hier soir, il y avait ce "mur chinois" (chinese wall), c'est-à-dire le dispositif éthique qui consiste à garantir une séparation symbolique qui interdit toute communication sur un sujet particulier entre membres d'une organisation donnée. C'est destiné à empêcher les conflits d'intérêt. 
- Si je sais quelque chose sur quelque chose et que je voudrais t'en parler mais que je n'ai pas le droit parce que sinon je trahirais mon devoir de secret envers quelqu'un d'autre ?
- Oui, je... Mais attends... Quoi ?
- Tu avais raison, c'est très rigolo.
- Mais... Mais de quoi tu parles ?
- Je ne sais pas. Et toi ?
- Je ne sais plus.
- Tu avais raison, c'est rigolo. Je pouffe.
- ... 

(c) SG

jeudi 3 janvier 2019

"Jésus choque le bourgeois"... mais pourquoi ?

Immergée dans un travail exégétique sur l'évangile selon Luc, je suis tombée sur une note de bas de page qui me met en joie. Notant que le Jésus de Luc a une certaine propension à "choquer le bourgeois" pour "mieux faire ressortir le scandale de la justice du Règne de Dieu", il note : "Jésus choque : cf. Lc 4,28 ; 5,21 ; 6, 2.11 ; 7,39 ; 11, 15.45 ; etc." Ce "etc." me plaît infiniment... 
Il est du domaine du possible que dans les semaines à venir, je me penche sur cette liste avec délectation et avec vous. D'ailleurs, si vous avez d'autres passages du même genre à partager, n'hésitez pas, les commentaires sont ouverts ! 

"Beautiful Color Picture of Jesus Christ"

mercredi 2 janvier 2019

Tout doux liste

Cette année, je me souhaite ceci :
- Entrer en discussion par mail avec ce monsieur fort aimable qui me propose de m'épouser pour m'offrir l'honneur qui m'est nécessaire si je souhaite prêcher sans offenser Dieu, juste pour voir la différence exacte qu'il fait dans son esprit entre "Dieu" et "les bonnes moeurs" (enfin, les siennes).
- Tenir sur des petits carnets le compte très exact des calories, kilomètres, heures de sommeil, etc., pour avoir la joie de faire un feu de joie dans un an très précisément.
- Une fois, une seule, mais avec délectation, sortir dignement du cabinet d'un médecin qui me poursuivrait en disant "Mais, vous avez oublié de me payer" et lui répondre "Mais, vous avez oublié de me soigner". 
- Ecrire enfin ce livre que je couve depuis si longtemps, au risque qu'il lui pousse des plumes et s'envole loin de moi pour aller vivre sa vie.
- Arrêter les listes.
- Apprendre à cuisiner le vrai boeuf bourguignon, d'après la recette que j'ai retrouvée dans mes papiers, écrite de ma main d'après ma propre recette, que j'ai complètement oubliée depuis. 
- Oser sans frémir, avouer sans haine, admettre sans mépris. Et des larmes de joie. 
- Apprendre à m'enrouler comme un chat, pour garder le chaud dedans et un oeil ouvert.

(c) PRG

mardi 1 janvier 2019

Bonne année

Pour chacun et chacune d'entre vous
Que cette année vous soit douce et pleine de confiance
Que le jour succède à vos nuits
Que les rires appellent les rires dans votre vie
Et qu'il vous soit donné ce qui endort les peurs
Et réveille les espérances

(c) PRG