lundi 31 juillet 2017

Deux chats dans les chaussettes

- Alors, mon humaine, tu avances sur ta prédication sur la parabole des talents ?
- Nan.
- Miouou, on s'énerve pas, relis-moi ce qui te tracasse.
- OK. Alors dans la version de Matthieu (Mt 25,14-30), ce bout-là : "S'avançant à son tour, celui qui avait reçu un seul talent dit : Maître, je savais que tu es un homme dur : tu moissonnes où tu n'as pas semé, tu ramasses où tu n'as pas répandu... par peur, je suis allé cacher ton talent dans la terre : le voici, tu as ton bien. Mais son maître lui répondit : Mauvais serviteur, timoré ! Tu savais que je moissonne où je n'ai pas semé et que je ramasse où je n'ai rien répandu. Il te fallait donc placer mon argent chez les banquiers : à mon retour, j'aurais recouvré mon bien avec un intérêt. Retirez-lui donc son talent et donnez-le à clui qui a les dix talents. Car à tout homme qui a, l'on donnera et il sera dans la surabondance, mais à celui qui n'a pas, même ce qu'il a lui sera retiré."
- En fait ce troisième type, c'est surtout menteur, qu'il est, ma douce et tendre humaine.
- Euh... merci pour le compliment, tu as un superbe pelage toi aussi, mais pourquoi tu dis ça ? Qu'il est menteur, je veux dire ?
- Ben à cause de ce qu'il dit à son patron : que le patron est un homme dur qui récupère des intérêts, même quand il n'y a pas droit. S'il pense vraiment ça de son patron, alors il aurait dû s'arranger pour être sûr qu'il y aurait effectivement des intérêts... et le maître a raison de dire que pour ça, s'il n'investit pas lui-même, il reste les banquiers. C'est donc qu'il ne le pense pas vraiment, donc il dit ça juste pour se dédouaner, donc il est menteur. CQFD.
- L'alternative, c'est quoi ?
- Mmmmioui... que l'homme a raison et que Dieu est vraiment injuste.
- Dis-moi, Einstein, je me vois mal prêcher sur un homme menteur ou sur un Dieu injuste...
- Miaaaquoi ? mais tu l'as déjà fait plein de fois !
- Ouais. C'est pas faux. La justice de Dieu n'est pas celle des hommes, tout ça...
- ...
- ... et si tu vois ton Dieu comme un homme injuste, alors tu vivras comme sous un regard impitoyable et injuste... 
- Et lui, il n'avait rien compris...
- ... parce qu'il n'est pas allé au bout de sa propre logique (il n'a pas cherché à apaiser le Dieu terrifiant qu'il avait dans la tête), et il a refusé aussi de se laisser dire que sa logique n'était pas la bonne... 
- Ben tu vois quand tu veux. Dis, maintenant, tu pourrais envisager de me servir des bonnes petites croquettes ? 
- Hmmmm... tu te vois dans quel rôle de la parabole, là ? le serviteur égaré ou le maître intransigeant ? 
- Miouahou. Vaut mieux pas que tu saches.

samedi 29 juillet 2017

Le mal est tapi...

... à la porte du placard

everydayimpastoring.tumblr.com 

(Voir aussi Genèse 4,6-7)

vendredi 28 juillet 2017

Psaume des montées (Ps 121)

Chant pour les montées : je lève les yeux vers les montagnes. D'où me viendra le secours?
Le secours me vient du Seigneur, celui qui fait le ciel et la terre.
Il ne te laisse pas faire de faux pas. Celui qui te garde, il ne sommeille pas.
Non, il ne sommeille pas, il ne dort pas, celui qui garde Israël.
C'est le Seigneur qui te garde : le Seigneur est une ombre qui te protège.
Le jour, le soleil ne te nuit pas. La nuit, la lune ne peut rien contre toi.
Le Seigneur te garde de tout mal, il veille sur tout ton être.
Le Seigneur garde tes départs et tes arrivées, aujourd'hui et toujours...
(Psaume 121)

Commentaire

Nous gravissons des montagnes. A chaque col, la question se pose à nouveau : d'où viendra le secours ? Qui nous dira le secret de notre départ, et de notre arrivée, de notre vie et de notre mort ? Qui nous donnera le sentiment de ne pas avoir gravi en vain nos montagnes ? Qui vient à notre secours ?
Qui viendra répondre à notre question : pourquoi est-ce que je suis en vie ? Et comment vivre ? Est-ce un hasard que nous soyons en vie ? 
Nous attendons un secours. Et ce secours, nous dit le psalmiste, c’est Dieu. Nul autre que Dieu. Dieu, c’est celui qui est notre secours.
Nous pouvons nous faire beaucoup de dieux. Si notre secours, c’est le travail, alors le travail sera notre dieu. Si notre secours, c’est l’honneur de notre patrie, alors l’honneur de notre patrie sera notre dieu. Si notre secours est une morale, alors cette morale sera notre dieu. Si l’amour, si la famille, si l’argent est notre secours, alors ce seront nos idoles.
Mais il y a quelqu’un qui n’exige rien de nous en échange de son secours. Celui-là, nous ne savons pas grand-chose sur lui... sinon qu’il nous parle. Qu’il nous appelle.
Parfois, nous avons l’impression qu’il sommeille, qu’il dort, pendant que nous nous débattons. Parfois, nous l’appelons au secours, et il ne semble pas répondre. Il semble nous laisser livrés au soleil et à la nuit, à la succession des jours qui n’en finissent pas. Souvent, j’ai peur et j’appelle au secours, mais il reste une montagne à gravir, un autre pas à faire. Alors j’appelle en vain, et j’ai l’impression que rien ne me protège. Je voudrais qu’on m’épargne la montée, les cailloux, les difficultés. Je demande que cesse la montée vers le haut de la montagne.
Dieu n’aplanit pas le chemin. Simplement, il nous attend en haut. Il nous donne la liberté de continuer à marcher, sachant qu’il attend. Alors, la vie devient une aventure. Au-dessus du chemin, l’ombre de sa main s’étend, comme une bénédiction et une protection. Dieu, qui crée le ciel et la terre, tient à distance la lune et le soleil, pour que nous ayons la place de vivre.
Alors le chemin se fait cheminement. Le secours de Dieu n’épargne pas les sentiers difficiles. Il les habite avec nous. Il veille à notre départ, à notre arrivée.
Ce psaume a été écrit lorsque le peuple d’Israël revenait de Babylone, lorsque revenir sur la terre promise par Dieu, où rien n’était plus prévu pour eux, était une épreuve pour la foi. Aujourd’hui encore, il résonne pour ceux qui ont quitté la terre où ils ont vécu, pour arriver dans un lieu qui ne les accueille pas. Il y a des montagnes à gravir, des formalités à accomplir, l’épreuve de la confiance à accorder, de la méfiance devant la réprobation et la violence. D’où vient leur secours ? Ceux qui ont échappé à un destin de malheur, qui vient à leur secours, qui vient leur dire qu’ils n’ont pas mérité la misère et la souffrance qui reste encore à traverser dans l’espoir d’une vie digne ?
Chacun d’entre eux, chacun d’entre nous, reçoit l’assurance qu’au milieu de ces difficultés, la parole de Dieu résonne encore et toujours : oui, tu as le droit d’être en vie. Tu as le droit d’être respecté comme être humain. Tu as le droit de dire que tu apportes au monde la certitude que d’où que tu viennes, tu as le droit de vivre.
Lorsque Dieu est le seul à qui nous pouvons faire confiance, le seul en qui mettre notre espoir, nous devenons des messages pour l’humanité : le sens véritable de la vie, c’est de mettre son espoir dans celui qui n’exige pas, mais qui secourt.
Ce Dieu-là garde nos départs, et nos arrivées. Aujourd’hui, demain, toujours.

(c) Roberto Bertero

jeudi 27 juillet 2017

Avoir la foi c'est…


Avoir la foi, ce n’est pas savoir où mène le chemin, c'est accepter de s’y aventurer.


(c) PRG 2007

mercredi 26 juillet 2017

La Bible n'existe pas

Au début de cette histoire se trouve le port de Byblos, en Grèce. C'est par là que transite le papyrus venu d'Egypte, qu'on en vient du coup à appeler du byblos. Un rouleau ou un livre fait à partir de feuilles de papyrus devient pour les Grecs un biblion. Quand la Bible hébraïque a été traduite en grec vers 270 avant JC, c'est ce mot qui a été utilisé pour traduire l'hébreu sépher (livre), et comme il y a beaucoup de livres (les 5 rouleaux de la Torah, plus les livres historiques, les prophètes, les livres poétiques, etc.), on dit ta biblia (au pluriel). Ces livres sont organisés dans un certain ordre, mais ils ont été écrits et réécrits au cours de plusieurs siècles, avec des bouts rajoutés dans tous les coins. Ils n'ont, en tout cas, pas été écrits dans l'ordre dans lequel nous les lisons. 
Pour ce qui est du Nouveau Testament, les livres les plus tardifs ont été écrits vers la fin du premier siècle. Or à ce moment-là, il n'existe pas de collection constituée du "Nouveau Testament". En d'autres termes, au moment où ils écrivent, les auteurs du Nouveau Testament ne savent pas qu'il sont ent train d'en écrire un bout. C'est bien plus tard, aux 3e/4e siècle, que le corpus du Nouveau Testament sera arrêté avec les 27 livres qui le constituent (et bien d'autres, les apocryphes, éliminés), puis accolés à ce qui sera désormais appelé Ancien Testament, et ça ne se fait pas du jour au lendemain ! 
Donc, pour les premiers chrétiens (dont les auteurs du Nouveau Testament), il existe "les livres", ta biblia, qui désignent l'ensemble des livres reçus de la tradition hébraïque, et il existe des ouvrages qui circulent dans les églises locales, mais qui n'ont pas encore de structure précise et ne font pas partie des livres saints. Il existe donc une bibliothèque, un ensemble de livres, dont certains sont reconnus comme canoniques et d'autres, dont personne n'imagine encore qu'ils formeront un jour un tout avec les premiers. Pour Jésus, comme pour les premiers chrétiens, la Bible telle que nous la connaissons n'existe pas... 
Dans les siècles qui suivent, le codex, livre relié constitué de plusieurs cahiers de papyrus puis de parchemin, va permettre de créer des collections d'écrits qu'on peut rassembler et consulter bien plus facilement que les rouleaux. D'autre part, peu à peu, le latin remplace la langue grecque comme langue de l'empire. Le grec "ta biblia", les livres, au neutre pluriel, va être transposé littéralement en latin : biblia, en latin, est au féminin singulier... La Bible est née. 
Et l'histoire ne s'arrête pas là : cette collection de livres, devenue livre à part entière, dépend de manuscrits anciens qui disparaissent peu à peu. Il n'existe plus aucun manuscrit datant de l'époque de leur écriture ; ceux qui nous sont parvenus sont des copies de copies de copies des manuscrits originaux. Tous ces manuscrits connus aujourd'hui ne concordent pas, il y a parfois même des différences majeures. Du coup, pour en arriver à "la Bible" que nous connaissons aujourd'hui, il faut faire des choix entre les différentes versions des différents manuscrits. D'autre part, les différentes traditions chrétiennes ne retiennent pas les mêmes collections de livres : la Bible catholique compte nettement plus de livres que la protestante, par exemple ! 
Enfin, à l'origine les différents livres de la Bible sont écrits majoritairement en hébreu pour l'Ancien Testament, et en grec pour le Nouveau. Alors forcément, les bibles que nous achetons de nos jours ne sont pas "la Bible", ce sont des traductions, et il existe de nombreuses traductions différentes dans de nombreuses langues différentes. Voilà pourquoi on peut affirmer que la Bible n'existe pas : ce que nous tenons dans nos mains aujourd'hui, c'est le résultat d'un très long processus d'écriture, de transmission et d'appropriation. 
Entendons-nous bien : je ne suis pas en train de relativiser l'autorité des Ecritures. Au contraire. Reconnaître à nos textes de référence l'inscription dans une histoire, avec tous les aléas qui vont avec, c'est bien dire que Dieu est venu nous rejoindre dans l'Histoire. Et que les traces que nous en avons sont à accueillir comme témoignage d'une Parole qui résiste à l'Histoire, aux incertitudes des inventions humaines (le codex, l'imprimerie, aujourd'hui le numérique), aux trahisons de traduction, et encore à l'interprétation que nous en faisons ! C'est aussi dire que Dieu seul est sacré, les Ecritures, elles, sont saintes, c'est-à-dire mises à part, parce que nous reconnaissons que nous ne les traitons pas comme des documents ordinaires, mais pour y chercher les racines de notre fidélité à Dieu, parce que notre lecture de croyants est éclairée par lui.

Les Chroniques pour ma sieste ? sérieux ?

mardi 25 juillet 2017

Prière

Notre Père qui es aux cieux,
Aide-nous à ne pas oublier que nous, nous n'y sommes pas.
Ce serait plus facile, peut-être.
Mais c'est ici que ça se passe.
Tu es venu respirer en humain,
Aimer en humain, consoler en humain,
Pleurer comme un humain,
Naître et mourir en humain...
Garde-nous de vouloir escalader le ciel pour te retrouver,
On ne ferait que se croiser en chemin.
Et toi tu nous attendrais sur terre,
Et nous on se morfondrait dans les cieux.
Aide-nous à vivre comme si chaque jour était le tien,
Comme si chaque instant était éclairé par toi.
Ou mieux encore : viens éclairer chaque minute que nous passons ici,
Parmi tous les autres humains.
Amen

Joshua Reynolds : le jeune Samuel en prière

lundi 24 juillet 2017

Chat m'étonnerait aussi

- Luke ! mon chaton !
- Miiioui ?
- Mais qu'est-ce que tu fais là ? pourquoi tu es derrière mon imprimante ?
- Oh... comme ça. Il est parti le facteur ?
- Tu as eu peur du facteur ?
- Miiinoooon ! J'ai juste décidé qu'il était dignement temps d'aller explorer là-derrière et vérifier si les fils étaient bien branchés.
- Alors ?
- Aucun problème.
- Bon, ceci étant posé, tu te souviens de notre discussion sur la parabole des talents ?
- Miioui. Tu avais rien compris. Tu as eu une illumination ? comme un éclair au milieu de nuages accumulés au-dessus des perchoirs à piafs et qui menacent de les inonder de leur pluie bienfaisante ?
- Mollo sur la métaphore, chaton...
- Miiioui, bon. Je t'écoute.
- Le troisième personnage. Celui qui a préféré enterrer son unique talent plutôt que d'en faire quelque chose.
- Miiiioui ?
- Pourquoi la chute de la parabole dit qu'à celui qui n'a rien, on enlève même ce qu'il a ?
- Miioui ?
- Il était comme son talent en fait. Mort, enterré. Il avait renoncé à la vie.
- Miiiiouii ?
- A celui qui renonce à la vie, il est enlevé la vie. C'est ça ? Mais de quelle vie il s'agit, alors ?
- Miiiiioui ?
- Il ne s'est pas servi de ce qu'il avait reçu, parce qu'il ne croyait pas vraiment que c'était pour lui... il avait renoncé à vivre de ce qu'il avait reçu... Rhhhaaa ! c'est juste là mais je n'arrive pas à mettre le doigt dessus !
- T'inquiète, ça va venir, tu vas la faire, ta prédic'. On peut aller faire la sieste maintenant ?

(c) Ptitboul sur posepartage.fr

samedi 22 juillet 2017

vendredi 21 juillet 2017

Chat m'étonnerait beaucoup

Un dialogue entre la pasteure et son chat (ou le chat et son humaine, ça dépend du point de vue)


- Dis, mon humaine, qu'est-ce que tu fais de cette parabole des talents, là ?
- Les talents ? celle où on dit "à celui qui n'a rien, on enlèvera même ce qu'il a ?" (Mt 25,14-30 // Lc 19,12-27)
- Mioui.
- Je me reconnais assez dans le type à qui on donne une fortune, et qui l'enterre parce qu'il a la trouille d'en faire quelque chose.
- Ah. Intéressant. T'as rien compris, hein ?
- Hhmmm. Non.
- Bon, j't'explique. Mais vite, après c'est l'heure de la sieste. C'est l'histoire du chat botté.
- OK, je sais que tu es doué pour les métaphores, mais là quand même...
- Miaaaaattends, miaaaaattends, tu vas voir !
- Bon. Je t'écoute.
- C'est l'histoire d'un type qui casse sa pipe et laisse à ses fils tous ses biens. Le premier a un tas d'or, le deuxième un petit tas d'or, et le troisième une pièce d'or et un chat. Les deux premiers utilisent leur or et deviennent riches, du coup ils deviennent de plus en plus riches et tout le monde est content pour eux. Le troisième est dégoûté par la radinerie de son paternel, il envoie balader la pièce et essaie de se débarrasser du chat.
- Voyez-vous ça.
- Moui. Bon. Donc, le chat finit par lui soutirer la promesse qu'il va le laisser tranquille, il récupère la pièce d'or, s'achète des bottes, les échange contre un champ après une mésaventure avec un loup, trouve un trésor dans le champ, enfouit le trésor...
- ... OK, tu te fiches de moi ? tu mélanges les paraboles, là !
- Miiiiaaaattends ! laisse-moi finir ! Donc, il enfouit le trésor dans le champ, file au château du roi, lui explique que dans le champ du marquis de Charabois se trouve un immense trésor mais que le marquis lui laissera le trésor en échange de sa fille, obtient la promesse du roi, revient à toute vitesse auprès du pauvre jeune homme qui commence à se morfondre et à mourir de faim, lui explique tout ce qu'il a fait. Et bim, le jeune homme tombe amoureux de la princesse qui tombe amoureuse de lui, ils se marient malgré l'opposition du roi qui trouve le trésor un peu maigre, ils ont plein de petits princes et tout le monde est content.
- Et le chat ?
- Il s'en va au soleil couchant en chantant "I'm a poor lonesome Puss-No-Boots".
- Mais ça n'a strictement rien à voir avec la parabole des talents !
- Si. Ca a tout à voir. Mais pour ça, il faut la comprendre. Que celui qui peut dresser l'oreille la gratte avec la patte gauche. 

jeudi 20 juillet 2017

Compliment de Noël

A la sortie de mon tout premier culte de Noël en tant que pasteure, un monsieur que je ne connais ni d’Eve ni d’Adam vient m’interpeller : « Ouais, c’était pas mal. Et heureusement, parce que je ne viens qu’une fois par an. »



Toute personne ou société citée ici est purement fictive, toute ressemblance avec des personnes ou sociétés existantes ne serait que pure coïncidence. Aucun paroissien et aucun sapin n'a été blessé pendant le tournage de cette chronique. 

mercredi 19 juillet 2017

Jésus-Christ crucifié ?

Quand je reçois des gens pour un mariage, le plus souvent, l'un des deux n'est pas protestant, et bien souvent n'a qu'une idée très vague de ce que signifie la religion en général, y compris le christianisme. Et je dois avouer que dans mon ministère, ce sont souvent les rencontres que je préfère. Parce qu'on parle en vérité, sans vernis religieux, pour poser des vraies questions. Est-ce que Dieu existe ? Si oui, pourquoi laisse-t-il faire le mal ? et c'est quoi, cette croix ?
On pourrait, dans ces cas-là, faire un cours de catéchisme accéléré, mais ça n'aurait pas tellement d'intérêt, ni pour eux ni pour moi. S'ils viennent me voir, c'est pour que Dieu soit présent à leur mariage.
D'accord, mais quel Dieu ? et là, ça devient tout de suite plus intéressant. Parce que nous autres les humains, nous avons tous des tas d'images de tas de dieux, on est un peu construits comme ça… mais s'il y a l'Eglise, c'est parce que le Dieu que nous prêchons n'est pas n'importe lequel. Et même, et là ça devient encore plus intéressant, le Dieu que nous prêchons n'est jamais celui que nous imaginons. 
Or, dans un mariage, au moment de la bénédiction, le célébrant (souvent un pasteur) dit ceci : "votre couple est béni au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit". Petite formule convenue par laquelle il faut passer pour que le mariage soit "vrai" ? Que nenni. Alors souvent je raconte que pour les humains, qui ne peuvent, par définition, pas imaginer Dieu (des palanquées de philosophes de tout poil s'y sont pourtant frottés, ce qui est passionnant d'ailleurs), il y a ces trois façons-là de se le figurer : comme un père, comme un fils et comme un esprit. 
Le Père, facile : celui qui crée, celui qui construit une relation de confiance pour qu'on puisse apprendre à marcher en lui tenant la main, celui qui pousse à vivre pour de vrai, pour aller vers l'avenir en marchant en confiance même quand on s'est cassé la figure… 
L'Esprit, encore plus facile : c'est ce souffle qui vient animer nos vies, insuffler du désir d'avancer, de se tourner vers Dieu, de découvrir le monde et les autres êtres humains… 
Mais le Fils, là… pas facile du tout. Pourquoi faut-il qu'il y ait un fils ? ça ne ressemble pas du tout à l'idée qu'on se fait d'un dieu, ça. Un môme dans une mangeoire, ça sert à quoi ? Et de l'autre côté de l'histoire, encore pire, cloué sur une croix, pourquoi faudrait-il croire une chose pareille ? Et il ne faut pas chercher à atténuer ce choc-là, ce scandale-là : il est réel. Que Dieu se présente sous ces traits-là, ça doit garder tout son caractère de scandale. 
C'est l'apôtre Paul qui parle le mieux de cela. Ici, par exemple :

"Pour ma part, mes frères, lorsque je suis venu chez vous, ce n'est pas avec une supériorité de langage ou de sagesse que je suis venu vous annoncer le mystère de Dieu. Car j'ai jugé bon, parmi vous, de ne rien savoir d'autre que Jésus-Christ - Jésus-Christ crucifié. Moi-même, j'étais chez vous dans un état de faiblesse, de crainte et de grand tremblement ; ma parole et ma proclamation n'avaient rien des discours persuasifs de la sagesse ; c'était une démonstration d'Esprit, de puissance, pour que votre foi ne soit pas en la sagesse des humains, mais en la puissance de Dieu." (première lettre de Paul aux chrétiens de Corinthe, chapitre 2, versets 1-5)

Dieu se montre puissant précisément dans la faiblesse ultime d'un homme crucifié pour un crime qu'il n'a pas commis, incompris de tous et rejeté des bons citoyens. C'est une folie et un scandale. Dieu, semble-t-il, ne veut pas être le Dieu de notre imagination. Il est allé se fourrer dans le pétrin pour nous en persuader, et le monde n'a pas fini d'en prendre la mesure.

Martin Luther prêchant JC crucifié (retable de l'église de Wittenberg)

mardi 18 juillet 2017

Prière

Monsieur Dieu,
On n'est pas trop doués pour te parler, en fait.
Dis, qu'est-ce que tu peux faire pour nous ?
Est-ce qu'il faut montrer patte blanche ? 
Est-ce qu'il faut faire des pompes de l'âme ?
Est-ce qu'il faut s'agripper au rebord du rocher ?
Qu'est-ce que tu attends de nous ?
Il y a peut-être un moment qu'on n'a pas trop pensé à toi.
On est pas hyper doués pour vivre, en fait, non plus.
Ca grince, ça coince, rien n'est aussi simple que ça en a l'air.
On n'est pas des surdoués de la chose, ni pour te parler, ni pour nous taire et t'écouter.
Bon…
Si tu pouvais, juste, nous accepter comme ça… 
Si tu pouvais juste être assez cool, assez sympa, pour nous laisser faire une petite pause, là, maintenant… 
On ne sait pas trop ce qu'il faut te dire, alors il va falloir que tu causes toi-même.
Amen

@La Petite Maison dans les Arts

lundi 17 juillet 2017

Méchants fripons

"Le fait que Dieu accorde aussi sa Parole par de méchants fripons n'est pas une petite grâce. Dans une certaine mesure, il est même plus dangereux qu'il l'accorde par l'intermédiaire de saints personnages que lorsqu'il la donne par des hommes qui ne le sont pas. En effet, les auditeurs manquant de jugeote se laissent prendre et ils s'attachent plus à la sainteté des hommes qu'à la Parole de Dieu."

Belle provocation que ce rappel du réformateur Martin Luther… et vraie vérité. C'est un problème qui se pose nécessairement à tous les ministres des cultes : est-ce qu'on les écoute parce qu'ils représentent une autorité morale et spirituelle supérieure ? ou parce que, par eux, les auditeurs entrevoient quelque chose de ce que Dieu exprime et qui peut les rejoindre ? 
Il arrive hélas que nous ne soyons écoutés que parce que les auditeurs s'imaginent que nous avons un accès particulier à Dieu par une vie spirituelle fascinante ou une ascèse hors du commun, ou parce que nous avons le luxe d'avoir pour profession de parler du sens de la vie comme si on le possédait. Il arrive hélas que ce ne soit plus la Parole de Dieu que nos auditeurs recherchent, mais la relation privée entre Dieu et le ministre du culte, parce qu'elle apparaît mystérieuse, vivante et ambigument séduisante… Luther l'avait bien perçu, il avait dû vivre cela. Il y a une certaine dimension d'envie malsaine lorsque c'est votre foi qui est objet de désir, et non plus Dieu.
Chers collègues pasteurs, avez-vous connu cela ? des compliments dithyrambiques, pas sur vos talents de prédicateur, d'animateur ou de communicant, mais sur… votre foi ! La foi est pourtant ce qu'il y a de plus intime, de plus secret, en l'humain, on peut voir les oeuvres qui en jaillissent, mais bien sûr pas la foi elle-même. Ce n'est pas un objet qu'il serait possible de posséder, et donc de voler ou se faire voler. En entrant dans le ministère, j'avais peur de faire des bêtises avec la foi des autres, mais je n'avais pas prévu que la mienne pourrait devenir objet de convoitise comme si c'était le dernier iPhone sur le marché…
Mais c'est peut-être un détour nécessaire. Peut-être qu'il faut y consentir et que ça fait partie de notre fonction. Alors, il faut simplement revenir au geste de Jean-Baptiste qui désigne Jésus en disant : ce n'est pas de moi qu'il s'agit, mais de lui : regardez-le, écoutez-le. C'est dans le lien avec lui que se trouve votre foi. Moi, je suis le vilain fripon qui n'est même pas digne de lui enlever ses chaussures !

Retable d'Issenheim (musée de Colmar)

samedi 15 juillet 2017

Déclaration de foi, 7 (et fin)

La déclaration de foi de l'Eglise protestante unie de France, adoptée lors de son synode national à Lille en mai 2017, se termine ainsi :

"A celui qui est amour au-delà de tout ce que nous pouvons exprimer et imaginer, disons notre reconnaissance.
Célébrez Dieu, car il est bon et sa fidélité dure pour toujours" (Psaume 118,1)."

Cette phrase, "Célébrez le Seigneur, car il est bon et sa fidélite dure pour toujours", est à la fois la première et la dernière phrase du Psaume 118. D'ailleurs, ce psaume a une forme particulière, antiphonée, comme un dialogue entre les prêtres et le peuple qui leur répond. Cette phrase est entonnée par les prêtres qui disent "Célébrez le Seigneur, car il est bon" et le peuple répond "sa fidélite dure pour toujours". Au milieu du psaume, trois personnages viennent apporter un témoignage de cette vérité première, d'abord un prisonnier que Dieu a libéré, puis un voyageur qui s'est fait attaquer par des hordes de brigants, enfin un malade qui a été délivré de la mort. Trois histoires tissées dans le dialogue entre prêtres et peuple. C'est un chant, c'est une prière, c'est une histoire de Dieu dans l'histoire.
Citer la première (et dernière) phrase de ce psaume, ce n'est donc pas aller chercher des mots qui sonnent bien pour faire joli, mais faire référence à une histoire de Dieu parmi les hommes, que les hommes ont tissé de leurs mots, dans un dialogue poétique qui met en scène des célébrants et l'ensemble du peuple d'Israël.
Nous sommes les héritiers de ce poème, nous sommes au bénéfice de la transmission de ces mots au cours des âges. 
Tiens, d'ailleurs : "toujours", en hébreu, ça ne veut pas dire l'éternité. Ce n'est pas un concept philosophique et ça ne se réfère pas à un paradis par-delà la mort. Non, c'est quelque chose de très vibrant dans l'histoire, dans notre histoire ; d'une certaine façon, en hébreu, en disant "toujours", on veut dire "tant qu'il y a des humains pour en rendre témoignage, tant qu'il y a de la mémoire qui se transmet comme une vérité qui fait vivre des humains, de génération en génération". 
Voilà ce que l'Eglise protestante unie de France a fait en cette année 2017, avec les mots qui sont les siens, pour parler au monde qui est le nôtre aujourd'hui : nous avons rendu témoignage de ce que Dieu est dans notre histoire. Et que ça ne s'arrêtera que quand il n'y aura plus personne pour le savoir. 

Paul Klee, Polyphonie (1932)

vendredi 14 juillet 2017

Une petite prière

« Madame le Pasteur, vous nous ferez bien une petite prière ? »

(C'est que, si vous me laissez le choix... J’ai déjà parlé à Dieu ce matin et là je n'ai plus trop rien à lui dire. Je suis fatiguée, ce déjeuner s’annonce long comme un prêche sans fin, et j’ai envie de rentrer chez moi me fourrer sous la couette et récupérer le sommeil que j’ai dû sacrifier hier soir sur la paperasse en retard pour pouvoir venir vous voir aujourd'hui. J’ai en tête les soucis du KT et d'une visite à faire à l'hôpital, j’ai des mails qui s’accumulent dans ma boîte mail, du courrier qui a dû arriver dans ma boîte à courrier, et un frigo désespérément vide pour le dîner. Je n’ai pas encore préparé la réunion d'après-dîner et quelque chose me dit qu'il va falloir que je ponde une petite méditation à l’arrache. Quant à l’étude biblique de demain, rien que l’idée que Paul, ce grand taquin, s’est amusé à tout mélanger pour nous embrouiller, m’épuise. Donc non, pas de petite prière, merci, mais si vous vouliez bien prier pour nous deux, ce serait un immense cadeau.
"Dis, pasteur ?" "Oui, Seigneur ?" "…" "Mmmh. C'est pas faux.") 

« Oui madame, avec joie. »



Toute personne ou société citée ici est purement fictive, toute ressemblance avec des personnes ou sociétés existantes ne serait que pure coïncidence. Aucun paroissien, aucun frigo et aucune colombe n'a été blessé pendant le tournage de cette chronique. 

jeudi 13 juillet 2017

Confiance

Si vous êtes pas un chat, vous pouvez pas comprendre. Mais je vous explique quand même.
J'aime assez quand mon humaine me prend dans ses bras. Pas juste attrapé et tenu d'une main sans y penser, hein, mais quand je sais qu'elle me tient bien et que je peux me lover dans ses bras. Elle appelle ça un "calin félin de chat", c'est un peu bêbête, mais je dis rien. Les calins, c'est bien. 
Mais c'est bien parce que j'ai confiance en elle et qu'elle a confiance en moi. Il arrive que d'autres gens s'imaginent que parce que je suis là, ils ont qu'à tendre la main pour que je vienne ronronner, mais ça fonctionne pas du tout comme ça. Elle et moi, on a créé quelque chose qui n'existerait pas sans nous. Ca existe que parce que elle c'est elle et moi c'est moi et qu'on a construit un truc ensemble (et je vous prie de croire que c'est du boulot, ça m'a pris des années pour arriver à l'éduquer correctement).
Des fois, quand elle parle avec son Dieu, là, quand elle croit que je la regarde pas, c'est un peu la même chose je crois. Un lien de confiance unique entre des personnes uniques. Elle, elle appelle ça la foi. 
Moi je m'en fiche de comment ça s'appelle. Les calins, c'est bien. 

L'illustratrice Diglee et son chat

mercredi 12 juillet 2017

Le pasteur doit... (1935)

D'où je tire la conclusion que, totalement indifférente au sport sous quelque forme que ce soit, je vais sans doute être obligée, en conscience, de démissionner… 

"Il est, bien sûr, souhaitable qu'un pasteur (mieux, en termes plus réalistes : un ministre de la Parole de Dieu) soit un caractère moral et une personnalité religieuse, un homme de goût, cultivé, un penseur audacieux et en même temps plein de respect envers les exigences du bon sens, solidement établi en lui-même, mais aussi ouvert aux joies et aux peines de son entourage immédiat ou lointain, un homme de prière sincère et un travailleur discipliné, un homme très naturel mais aussi très spirituel, un bon père de famille, mais avec de larges horizons, un homme qui vit de tout son coeur dans et avec son temps, c'est-à-dire qui en ressent les détresses et les espérances comme les siennes propres, et qui, quelle que soit la position qu'il adopte sur ces chapitres, puisse ainsi penser et parler à ses contemporains comme l'un des leurs. Il doit être capable d'aimer chaque homme et y être prêt et par conséquent capable de ne craindre aucun homme et résolu à ce courage. Il doit être libre et rester libre, mais libre aussi de choisir et donc de se lier, de s'engager sans réserve pour la bonne cause et de s'y dévouer. Il doit avoir tout autant le courage d'être seul, que l'humilité du simple soldat, qui se range dans le rang et partage avec beaucoup d'autres les responsabilités du travail et du combat. Il doit être prêt à l'attente silencieuse comme à la plus grande activité, être un homme de paix tout autant que, s'il le faut, un lutteur. C'est la même nécessité intérieure qui doit chaque jour lui inspirer, tantôt le sérieux le plus acharné, tantôt l'onction la plus profonde, tantôt l'humour le plus franc. Il lui faut être parfaitement à l'aise dans la Bible et dans la dogmatique ; mais il lui faut aussi avoir un jugement politique et éprouver pour le cinéma et le sport tout au moins une compréhension sympathique. Il doit être un homme bien élevé et cependant nullement bourgeois ; son coeur doit le porter vers le prolétariat ; mais, justement à cause de cela, il ne doit avoir ni les sentiments, ni les ressentiments prolétariens. Il faut qu'il comprenne les athées, il faut qu'il comprenne les piétistes, et mieux que les uns et les autres ne se comprennent eux-mêmes. Par nature, ou grâce à ses études scientifiques, il doit être psychologue ; et cependant il doit, sans aucune psychologie, directement et pasionnément, savoir consoler et aussi réprimander. Quand il fait de la cure d'âmes, quand il enseigne, ou quand il prêche, il faut qu'il ait présent à l'esprit son voisin malade et ses humbles problèmes domestiques, aussi bien que le cours majestueux des événements du monde et de l'Eglise, qui servent de cadre au destin de sa paroisse. Il doit s'adresser toujours à une situation réelle, mais toujours d'en-haut ; toujours à des hommes, mais toujours de façon à leur dire davantage que ce qu'ils pourraient se dire tout aussi bien eux-mêmes. Il doit savoir penser, parler et agir comme un prêtre, comme un prophète et comme un pasteur."*

Barth, c'est celui avec les lunettes
* Ce texte est l'introduction au petit livre de Karl Barth, Le ministère du pasteur, traduit par Pierre Maury, Genève, Labor et Fides, 1961 (date de première publication en français 1935). Barth s'appuie sur cette liste ironique pour montrer que, si on limitait la fonction de pasteur à ce cahier des charges humain et moral, on passerait totalement à côté du véritable être du pasteur, non pas liste d'obligations à remplir (qui de toute façon s'applique à tous les chrétiens et pas juste au pasteur), mais vecteur d'une Parole venue d'ailleurs et qui nous engage totalement. 

mardi 11 juillet 2017

Tu regardes l'autre…

Tu regardes l’autre à la mesure du regard que tu imagines posé sur toi.

Ton Dieu est bienveillant ? Alors ton regard est bienveillant.

Ton Dieu est un juge impitoyable ? Alors tu juges l’autre et te mesures à lui.

Ton Dieu est humble et faible ? Alors tu regardes l’autre avec humilité et impuissance.

Ton Dieu est tout-puissant et écrasant ? Alors tu vois l'autre comme un objet livré aux caprices d'un destin implacable.

Ton Dieu est un rival impitoyable ? Alors tu verras l'autre comme un rival à soumettre ou auquel te soumettre, dans une lutte sans fin. 

Tu te sens ignoré et perdu dans un vaste monde ignoré de Dieu ? Alors tu ignores l’autre dans son propre monde et tu n’essaies pas de t'approcher de lui.

Rien de tout cela n'est une fatalité. Bonne nouvelle !


H. Lindegaard

lundi 10 juillet 2017

Liturgie ?

Un petit garçon m'a demandé récemment "c'est quoi, la liturgie ?"
Et il avait bien raison, parce que je parlais comme si tout le monde savait ce que c'était, or non, et ce n'était ni le temps ni le lieu pour lui faire une réponse de savant, parce que c'était une question urgente, sincère, et qui espérait vraiment une réponse. 
Alors…
Alors tu vois, la liturgie, c'est comme une histoire. Tu te souviens quand tu es venu au temple l'autre jour ? Avec tes parents et ta petite soeur, vous êtes entrés dans le temple, vous avez cherché une place pour vous asseoir, et puis quelqu'un vous a donné un livre avec les chants dedans. Et après ça, j'ai commencé à vous raconter une grande histoire à base de plein d'histoires. 
D'abord, j'ai rappelé que Dieu dit bonjour, à tout le monde, petits, grands, jeunes et vieux. Ensuite, on a raconté la merveille de ce que Dieu a fait et continue à faire dans le monde. Par exemple, on se souvient de l'histoire étonnante de Dieu qui arrange le monde pour le rendre accueillant pour les humains, avec l'eau en haut et l'eau en bas, la mer et la terre, et puis les plantes, les arbres, les animaux… 
Ensuite, une histoire importante, c'est celle que nous, on raconte à Dieu. C'est quand on lui explique qu'il y a vraiment trop de choses qui nous pèsent dessus, et qu'on n'arrive plus à avancer à cause de ce poids. Ca peut être des choses qu'on a dites et qu'on regrette, des choses qu'on a faites et qui ont fait des dégâts auprès des autres, ou alors des choses qui nous sont arrivées et qui nous tournent dans la tête tout le temps, tellement qu'on arrive plus à penser à autre chose et que ça nous empêche de vivre. Alors on le dit à Dieu : on lui demande de venir s'en occuper, parce que nous on n'y arrive pas. Tous les dimanches, pendant le culte, on fait ça, on redit cette vilaine histoire-là (parce que tous les humains vivent ça, et que c'est dur pour tout le monde).
Et tous les dimanches, on se souvient que Dieu, son boulot principal dans notre vie, c'est justement de virer toutes les choses qui nous empêchent de vivre vraiment. C'est une sacrée histoire, ça ! Il vient nous désembobiner de tout ce qui nous emberlificote. Alors toute l'énergie qu'on mettait à ressasser tout ça, elle ne se perd plus, on peut la mettre dans des choses qui nous rendent vraiment vivants ! on peut regarder le présent et l'avenir en face, en se disant que plein de choses nouvelles peuvent encore arriver. Ca nous rend drôlement légers. (Moi, c'est l'histoire que je préfère, dans le culte).
Après… on raconte une histoire de la Bible, et on la commente, on essaie de chercher ce que Dieu raconte dans notre vie à partir de ces mots qui sont dans la Bible depuis très longtemps. C'est toujours nouveau (parfois c'est un peu compliqué et il faut réfléchir, mais si tu te dis qu'il y a une histoire pour toi là-dedans, ça rend les choses plus faciles à écouter. Et si ton imagination part sur des chemins de traverse, ce n'est pas grave, c'est une histoire juste pour toi !) Dimanche prochain par exemple, je vais raconter une histoire de guérison.
Après, on fait le résumé de l'histoire de tout ce qui nous réunit, ça s'appelle une "confession de foi", c'est une façon très courte de redire les choses importantes pour les chrétiens. Ensuite, parfois, on se raconte l'histoire du dernier repas que Jésus a pris avec ses disciples, pour se souvenir que nous aussi, nous sommes ses disciples et que ce qu'il leur a dit, c'est aussi pour nous. On se rassemble autour de la table pour partager le pain et le vin, comme on partage des paroles très importantes, dans une histoire très importante entre Dieu et les humains.
Après, on raconte les histoires de la paroisse, les choses qui se sont passées et qui vont se passer pour les gens qui font partie de l'Eglise, on se donne des nouvelles des uns et des autres.
Et après ça, on raconte l'histoire de Dieu qui se mêle des affaires du monde, en disant comment on voit le monde autour de nous, et qu'on est très désolés de la souffrance et du mal qui y règnent. Ca nous permet de nous dire que les histoires du monde sont importantes, et que Dieu et nous, on participe à ces histoires-là.
Et après, on est envoyés dehors pour vivre ce qu'on a à vivre, réconfortés par toutes ces histoires, avec des tas de mots qui résonnent dans notre coeur, et des chants qu'on a partagés et qui nous accompagnent un bout de chemin.
La liturgie, tu vois, c'est tout ça… Ca a des couleurs différentes, des rythmes différents, selon les jours, selon la période de l'année, selon les histoires spéciales (Noël, Pâques, Pentecôte…), selon les événements, comme pour un baptême, comme pour toi bientôt. C'est à chaque fois familier, et pourtant c'est à chaque fois quelque chose de nouveau. C'est la grande histoire de l'amour de Dieu pour chacun des humains, toi, moi, tes parents, ta petite soeur et tous les autres : c'est toujours familier, et pourtant toujours totalement nouveau.

Photo de l'expo "Eglise de témoins" (http://eglisedetemoins.fr) 

samedi 8 juillet 2017

Déclaration de foi, 6

Suite du parcours dans la nouvelle déclaration de foi de l'Eglise protestante unie de France, adoptée au dernier synode national.

"Dans les dons qu'elle reçoit de Dieu, l'Eglise puise les ressources nécessaires lui permettant de vivre et d'accomplir avec joie son service : proclamation de la Parole, célébration du baptême et de la cène, ainsi que prière, lecture de la Bible, vie communautaire et solidarité avec les plus fragiles. L'Eglise protestante unie de France se comprend comme l'un des visages de l'Eglise universelle. Elle atteste que la vérité dont elle vit la dépasse toujours."

Commentaire

L'Eglise n'est pas d'abord et avant tout une institution : c'est un événement. Qu'elle se donne les outils pour vivre en organisant la vie commune, c'est bien normal et c'est indispensable. Nous avons hérité de façons de faire, que nous remettons régulièrement sur le métier, pour une meilleure qualité de vie de tous ceux qui, d'une façon ou d'une autre, font partie de l'Eglise ou lui demandent quelque chose.
Mais l'Eglise n'est pas d'abord une institution. C'est l'événement vécu du partage de la Parole, c'est-à-dire du seul don nécessaire que Dieu fait à ceux qui vivent avec lui. La Parole, ce n'est pas la Bible, entendons-nous bien ! la Bible ne dit nulle part qu'elle est Parole de Dieu. Non, la Parole, c'est quelqu'un, une présence toujours actualisée. Ca se vit de façon communautaire, au culte, le dimanche matin ou un autre jour, pendant les "actes pastoraux" comme le mariage ou le service funèbre, mais aussi dans la célébration du repas communautaire et du baptême (les deux seuls sacrements pour les protestants, parce que le texte biblique ne désigne que ces deux choses comme des ordres clairs et communautaires de la part du Christ). Ca se vit aussi en privé, dans le secret de la prière, de la lecture personnelle de la Bible. Et ça se vit sur un mode non confessionnel, dans l'engagement pour les autres. Ca se vit de bien des façons, et l'Eglise a aussi pour mission de repenser sans cesse les multiples façons de vivre la foi dans ce monde. 
L'Eglise protestante unie de France, ainsi, ne prétend pas être la seule et unique Eglise, mais seulement un des visages de l'Eglise que Dieu institue lui-même, et dont personne sauf lui ne peut connaître les contours. Les Réformateurs parlaient ainsi d'Eglise invisible : nous ne savons pas ce qu'elle est précisément, qui y est et qui n'y est pas, et nous sommes appelés à ne jamais croire que notre Eglise instituée se confond avec l'Eglise universelle connue de Dieu seul. 
Simplement parce que nous ne possédons pas notre raison d'être… le Christ ne nous appartient pas, il n'appartient à personne, et nous ne pouvons pas plus modifier notre raison d'être que nous pouvons nier aux autres le droit de se réclamer de lui. 

Eglise "Entre les lignes" à Looz (Belgique)


vendredi 7 juillet 2017

Pourquoi le mal ?

Lorsque je reçois des gens qui n'ont qu'un rapport lointain avec l'Eglise, ou pas de rapport du tout (et c'est fréquent), une des questions principales qui se posent, c'est la question du mal : comment l'Eglise peut-elle dire que Dieu existe, alors qu'il existe tant de malheurs dans le monde ? Il ne fait rien, Dieu, ou il n'existe pas ? 
Ce n'est pas une question posée à la légère. Ce n'est pas une question à laquelle répondre à la légère. Et à vrai dire, je n'ai pas de réponse… Mais le fait de se poser cette question ensemble ouvre au moins un chemin de réflexion, de parole, pour peut-être entrevoir autre chose.
Dans la Bible, les Psaumes par exemple posent longuement la question du mal, et le livre de Job plus encore. Les amis de Job sont à leur façon des théologiens qui affirment tranquillement que si Job connaît le malheur, c'est parce que Dieu le punit. Il y en a même un qui affirme que c'est un outil éducatif, le malheur, et que Dieu a bien raison de l'utiliser… Une lecture attentive du texte montre que ces débats sont traités sur le mode de la distance et de l'ironie, mais il est facile de se laisser avoir par une lecture simpliste.
Jésus a connu le problème lui aussi (comme tous les humains). Un jour, des gens sont venus lui poser cette question de l'existence du mal. C'est dans l'évangile selon Luc, au début du chapitre 13 :

A ce moment, il vint des gens qui l'informèrent au sujet des Galiléens dont Pilate avait mêlé le sang à celui de leurs sacrifices. Il leur répondit ainsi : "Pensez-vous que ces Galiléens soient plus pécheurs que tous les autres Galiléens, sous prétexte qu'ils ont eu à souffrir ainsi ? Certainement pas ! Mais je vous le dis, si vous ne changez pas de point de vue, vous tous, vous périrez de même. Et puis, ces dix-huit personnes sur lesquels est tombée la tour de Siloé en les tuant, pensez-vous qu'ils soient en dette plus que tous les habitants de Jérusalem ? Certainement pas ! Mais je vous le dis, si vous ne changez pas de point de vue, vous périrez tous de la même façon."

L'inquiétude des interlocuteurs de Jésus est palpable : elle est la même qui taraude les gens d'aujourd'hui. Comment échapper au mal ? Que faut-il faire ? Et Jésus questionne la question. "Pensez-vous que…" : c'est obliger ceux qui l'interrogent à se demander pourquoi et comment ils l'interrogent, à partir de quels présupposés. Et Jésus leur répond sans ambage : votre parti-pris théologique n'est pas le bon. Quand vous laissez entendre que Dieu a puni tous ces gens, c'est simplement faux. Mais au lieu d'ajouter une consolation facile, du genre "Dieu il est gentil pour tout le monde, faut pas vous en faire", il ajoute quelque chose qui non seulement recentre la question, mais ouvre de nouvelles perspectives. Il leur dit que ce qui les fait mourir, c'est leur propre point de vue, précisément sur cette question. 
Et c'est vrai : vivre sa vie en cherchant en permanence à échapper à une punition imaginaire qui pourrait toujours arriver, ce n'est pas vivre. C'est être mort. Il y a tout un tas de raisons pour lesquelles les humains se résignent à cette non-vie, soit que leurs expériences avec d'autres humains leur aient fait craindre le pire, soit qu'il n'aient jamais pu imaginer Dieu autrement que comme un Dieu vengeur, mesquin et mauvais pédagogue. 
C'est un autre mot de Jésus tel que Luc nous le rapporte qui éclaire un peu la situation, lorsqu'il pose la question : "pensez-vous qu'ils soient plus en dette que vous ?", c'est-à-dire, pensez-vous que ceux qui ont été frappés par le malheur traînaient une dette plus grande que la vôtre envers Dieu et que c'est pour régler cette dette qu'ils ont été tués ? 
Je n'ai pas de réponse à la question du malheur. Mais une seule question : vivez-vous votre relation avec Dieu sur le mode de la dette ? 
Jésus, lui, répondait : si oui, alors vous n'êtes pas vraiment en vie. Et le choix pour en sortir vous appartient : celui du changement de regard. Un autre regard est possible ! 

©  Asteggiano