jeudi 28 février 2019

Mode d'emploi

Pour être un bon chrétien, c'est très simple : payez quelqu'un pour le faire à votre place. 
En plus, c'est pratique, vous pouvez l'observer, c'est une source infinie d'amusement. Exigez une vie parfaite, une connaissance parfaite des Écritures, la plus grande charité, une patience sans fin, l'âme d'un enseignant et la discipline d'un moine, l'humour léger et la gravité profonde. Vous pouvez aussi, si vous le souhaitez, exiger le sens du style vestimentaire tout en ayant la plus grande sobriété, le sens de l'économie et la haine de la pingrerie. Tant que vous y êtes, demandez un gestionnaire efficace. 
Si toutes ces choses que vous exigez ne vous sont pas données, plaignez-vous amèrement. Si nécessaire, menacez, tempêtez, rouspétez. Emportez-vous ; après tout, vous avez payé, on vous doit bien ça.
Pour être un vrai chrétien par contre, c'est compliqué. Ça demande de se pencher sur soi-même, sous le regard d'un autre. Vous ne saurez jamais où ça va vous mener. Pas de certitude, pas d'assurance, pas de promesse : une aventure qui va réclamer votre créativité, votre endurance, votre faiblesse et votre abandon. Personne d'autre que vous ne pourra le faire. Personne d'autre que vous ne peut prononcer vos propres paroles... Mais avec un peu de chance, quelqu'un viendra vous accompagner dans ce chemin, aussi faillible que vous, mais prêt à partager l'aventure. 

dessin Gilbert Bouchard

mercredi 27 février 2019

Désaffection

Il arrive dans les Eglises locales qu'on évoque la possibilité d'abandonner l'usage d'un temple. C'est toujours une grande douleur et source parfois de grands conflits. 
La désaffection d'un lieu de culte dit aussi la désaffection du public pour ce lieu et pour ce qui s'y dit. Pourquoi, il y a encore une génération, y avait-il tant de monde dans ce temple, et qu'aujourd'hui il est vide ? C'est incompréhensible, souvent. Que s'est-il passé ? Qui est responsable ? Comment revenir en arrière ? Comment retrouver ce sentiment de sécurité ? Comment ne pas se sentir en danger de voir disparaître des points de repère essentiels, des habitudes rassurantes ? 
Désaffecter un lieu de culte, c'est toujours une forme de défaite. Et nous avons beau prêcher que l'essentiel n'est pas dans les murs ni dans la tradition, ça n'enlève rien au déchirement. Il ne reste souvent qu'à accompagner ce désengagement, à écouter, à rassurer, à ouvrir si c'est possible d'autres perspectives. Mais il arrive toujours un moment où la question fondamentale se pose : va-t-on mourir ?
Et il arrive toujours un moment où la seule réponse honnête à donner c'est : oui. Oui, le passé disparaît. Oui, les choses qui nous rassuraient hier ne sont plus là. Oui, la mort est à venir, que ce soit notre mort à chacun ou la mort d'une communauté qui disparaît faute de renouvellement. 
On peut rêver à une culpabilisation de ceux qui "devraient" être là (parce qu'éloignés, parce qu'enfants ou descendants d'anciens paroissiens...) pour qu'ils viennent ou reviennent, on peut rêver à un sauvetage miraculeux par une évangélisation fantasmée, on peut espérer mourir avant d'avoir vu ça... Ca reste toujours de l'ordre de l'imaginaire et ça ne fait qu'entretenir la colère. 
Sortir de l'imaginaire, de la colère, ça passerait par quoi ? Faut-il conforter, ou combattre la nostalgie ? 
Je n'ai bien évidemment pas la réponse. Je ne sais, quant à moi, que m'accrocher à cette Parole qui passe et qui vient habiter, non pas dans les vieilles pierres, mais dans un corps vivant. Un corps vivant par-delà la mort. Un corps qui continue à vivre même si là où nous sommes, ça a l'air bien mort... La désaffection ne peut rien contre cet amour-là. 
En attendant, soyons vivants... malgré tout, vivants jusqu'à la mort. 

(c) PRG

mardi 26 février 2019

Echange de douceurs

- Les calins c'est bien.
- Les gratouillis c'est la vie.
- Les caresses c'est la liesse.
- Les couettes c'est chouette.
- Hein ?
- C'est juste pour voir si tu suivais.
- Mon chaton, des fois, tu me fatigues.


lundi 25 février 2019

La fragilité et la peur

La fragilité fait peur. La fragilité fragilise, pas seulement la personne même, mais aussi son entourage. La fragilité met en question nos certitudes sur nous-mêmes, sur le monde, sur l'ordre du monde tel qui va, tel qu'il devrait aller. 
La fragilité réveille les craquelures, les failles, les craintes qui sommeillent en nous et qu'une pleine santé, une belle force vitale maintiennent hors de vue. Silence, fragilités ! si vous vous réveillez, c'est la fin de l'illusion.
Se sentir fort, c'est croire être dans la normalité, c'est ne pas imaginer la faiblesse.
La fragilité de l'autre éveille en moi la peur ; la fragilité en moi me rappelle ma propre mortalité.
Un jour, mon souffle sera rendu si fragile qu'il cessera - cette réalité-là est insupportable. 
Il faut du courage pour accepter la faiblesse, il faut de la témérité pour supporter de voir souffrir l'autre sans que ça éveille en nous le pire. 
Malheureux êtes-vous, vous les forts qui ignorez la faiblesse ! car vous avez à présent votre réconfort. Mais demain ? Mais autrui ? 
Ne vous égarez pas, ne refusez pas de voir. Ce n'est pas de l'autre qu'il s'agit seulement. C'est de vous aussi. 

Van Gogh, Les Iris (1889)

vendredi 22 février 2019

Le silence

Le silence est-il une vertu ?
Il convient de tenir sa langue, de ne pas céder à la tentation de la médisance et du bavardage oisif. Dans l'épître de Jacques, l'auteur se plaît à décrire la langue comme cet organe minuscule et pourtant d'une puissance dévastatrice. Tourner sa langue sept fois dans sa bouche (ou sept fois soixante-dix-sept fois s'il le faut) semble alors le plus beau témoignage à la force d'âme qui consiste à ne pas vouloir le mal pour autrui. Il y a aussi le silence du repos, du détachement, du dialogue silencieux de la prière. 
Certes. Mais il y a aussi le silence lâche et complice. Le silence de ceux qui savent et qui ne disent rien. Le silence qui les rend aussi coupables que le coupable. Le silence qui fait mal lorsque le mal a été commis et qu'il est nié, semblant renvoyer au néant celui qui l'a subi.
En ces temps de dénonciation du silence pervers, dans la société et plus particulièrement dans les Eglises qui connaissent actuellement la levée du silence, au moins partiellement, au moins en dépit des résistances, pouvons-nous espérer que le silence coupable voie ses derniers instants ?
Le silence est à la fois une vertu et le mal même. Pour les croyants, c'est devant le tribunal de Dieu que chacun est jugé à ce sujet. Il est promis un temps, un lieu où tout sera dévoilé. Ce dévoilement est menace pour ceux qui commettent le mal, et promesse de rétablissement pour ceux qui le subissent. Le pire qui pourrait arriver, c'est que cette promesse soit pervertie, et qu'il soit dit aux victimes que tout va bien pour elles, puisque Dieu leur fera justice... un jour. Ce serait la pire des violences.
Silence prudent, silence coupable ?

Silence


jeudi 21 février 2019

Utile culpabilité

- Mon humaine, que fais-tu grimpée tout là-haut, avec ce pot dans les bras ?
- Mon chaton, je fais ce que j'aurais dû faire plus tôt. 
- Je ne comprends pas.
- Mon chaton, la plante précédente n'a pas survécu.
- Oh.
- Oh, en effet. Hélas, tu es un chat, et je doute que la culpabilité t'accable bien longtemps.
- Hmmm... Elle est jolie, celle-là aussi.
- ... 


mercredi 20 février 2019

Les plus petites choses éloignent

Cette histoire (à l'origine en anglais, mais je n'arrive pas à en trouver la source exacte) me semble toujours d'actualité...
En passant sur un pont, je vois un pauvre homme sur le parapet, prêt à se lancer dans le vide. Immédiatement, je me précipite auprès de lui, et je lui crie :
"Arrêtez, ne sautez pas !"
"Et pourquoi ne devrais-je pas sauter?" Me dit-il alors.
"Parce qu'il y a bien trop de formidables choses à vivre, et tellement de gens intéressants avec qui vous avez des choses en commun à rencontrer!"
"Comme qui par exemple?"
"Etes-vous croyant ou athée?"
"Croyant."
"Moi aussi! Etes-vous chrétien ou juif?"
"Chrétien."
"Moi aussi! Vous êtes catholique ou protestant?"
"Protestant."
"Moi aussi! Vous êtes Épiscopalien ou Baptiste?"
"Baptiste."
"Waow! Moi aussi! Vous êtes Baptiste Église de Dieu ou Baptiste Église du Seigneur?"
"Baptiste Église de Dieu."
"Moi aussi! Vous êtes Baptiste Église de Dieu Originelle, ou bien Baptiste Église de Dieu Réformée?"
"Baptiste Église de Dieu Réformée."
"Moi aussi! Vous êtes Baptiste Église de Dieu Réformée, réforme de 1879, ou Baptiste Église de Dieu Réformée, réforme de 1915?"
"Baptiste Église de Dieu Réformée, réforme de 1915!"
Alors c'est là que je lui ai dit:
"Crève, hérétique!" et je l'ai poussé dans le vide.