mercredi 27 février 2019

Désaffection

Il arrive dans les Eglises locales qu'on évoque la possibilité d'abandonner l'usage d'un temple. C'est toujours une grande douleur et source parfois de grands conflits. 
La désaffection d'un lieu de culte dit aussi la désaffection du public pour ce lieu et pour ce qui s'y dit. Pourquoi, il y a encore une génération, y avait-il tant de monde dans ce temple, et qu'aujourd'hui il est vide ? C'est incompréhensible, souvent. Que s'est-il passé ? Qui est responsable ? Comment revenir en arrière ? Comment retrouver ce sentiment de sécurité ? Comment ne pas se sentir en danger de voir disparaître des points de repère essentiels, des habitudes rassurantes ? 
Désaffecter un lieu de culte, c'est toujours une forme de défaite. Et nous avons beau prêcher que l'essentiel n'est pas dans les murs ni dans la tradition, ça n'enlève rien au déchirement. Il ne reste souvent qu'à accompagner ce désengagement, à écouter, à rassurer, à ouvrir si c'est possible d'autres perspectives. Mais il arrive toujours un moment où la question fondamentale se pose : va-t-on mourir ?
Et il arrive toujours un moment où la seule réponse honnête à donner c'est : oui. Oui, le passé disparaît. Oui, les choses qui nous rassuraient hier ne sont plus là. Oui, la mort est à venir, que ce soit notre mort à chacun ou la mort d'une communauté qui disparaît faute de renouvellement. 
On peut rêver à une culpabilisation de ceux qui "devraient" être là (parce qu'éloignés, parce qu'enfants ou descendants d'anciens paroissiens...) pour qu'ils viennent ou reviennent, on peut rêver à un sauvetage miraculeux par une évangélisation fantasmée, on peut espérer mourir avant d'avoir vu ça... Ca reste toujours de l'ordre de l'imaginaire et ça ne fait qu'entretenir la colère. 
Sortir de l'imaginaire, de la colère, ça passerait par quoi ? Faut-il conforter, ou combattre la nostalgie ? 
Je n'ai bien évidemment pas la réponse. Je ne sais, quant à moi, que m'accrocher à cette Parole qui passe et qui vient habiter, non pas dans les vieilles pierres, mais dans un corps vivant. Un corps vivant par-delà la mort. Un corps qui continue à vivre même si là où nous sommes, ça a l'air bien mort... La désaffection ne peut rien contre cet amour-là. 
En attendant, soyons vivants... malgré tout, vivants jusqu'à la mort. 

(c) PRG

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