Une femme vient au temple, pour une toute petite chose. Elle n'a pas accès aux grandes choses de la religion de toute façon - c'est une femme, et elle est pauvre, et sans importance. Elle n'est là que pour cette chose-là : mettre son argent dans le tronc des bonnes oeuvres. Geste absurde et dérisoire : cela ne changera rien au destin commun. Au moment de compter les sous, peut-être même ce simple sou se perdra-t-il sous la table, peut-être ne sera-t-il même pas compté.
Une simple vie. Il est absurde et dérisoire de croire qu'une simple vie ait pu sauver l'humanité toute entière. Une simple vie dont le souvenir aurait pu se perdre, dont l'utilité aurait pu disparaître à tout jamais des mémoires. Celui dont la vie, bientôt, va se perdre est assis auprès du trésor et regarde ce qui s'y joue.
Les gens importants viennent s'y sentir importants. La légitimité s'expose et se savoure. Être bon et le savoir, ça se gagne à coups de dollars, chacun selon ses moyens. Jusqu'au grain de sable qui vient enrayer la machine. Le simple sou absurde et dérisoire, le tout petit, le presque rien, qui vient en remontrer aux liasses rebondies. Les apparences sont vouées au néant. Le presque rien, le grain de sable, est ce qui compte infiniment.
C'est que le grain de sable représente ce qui fait vivre réellement, par-delà la mort, la mort de faim quand on n'a plus rien, la mort de maladie quand il n'y a plus de traitement, la mort de désespoir quand tous les rêves se sont envolés, la mort de trop parce que le trop envahit tout. Le grain de sable représente l'absurde et le dérisoire d'une infinie confiance qui se donne jusqu'au bout. Tant qu'on peut, on donne. On donne ce qu'on a de si peu : le petit bout d'espoir, le petit bout de reste, le petit bout de ce qu'on a qu'on reconnaît être universel. Quand ce qu'on a ne fait que passer par nous.
Celui qui va mourir regarde, et voit la métaphore de ce qui s'annonce. Sa vie va se terminer, absurde et dérisoire mort à venir, mais elle n'est pas en vain. Elle signe la fin d'une histoire, et le début d'une autre, trace d'une infinie espérance.
Assis en face du tronc, Jésus regardait comment la foule mettait de l’argent dans le tronc. De nombreux riches mettaient beaucoup.
Vint une veuve pauvre qui mit deux petites pièces, quelques centimes. Appelant ses disciples, Jésus leur dit : « En vérité, je vous le déclare, cette veuve pauvre a mis plus que tous ceux qui mettent dans le tronc. Car tous ont mis en prenant sur leur superflu ; mais elle, elle a pris sur sa misère pour mettre tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre. » (Mc 12,41-44)
Matthias Stom, Vieille femme à la bougie
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