Être d'ici, ça n'est pas forcément évident. Savoir qui on est, ça ne va pas de soi. On peut se sentir d'une nationalité particulière parce qu'on embrasse pleinement son histoire, ce qu'on pense être sa culture, l'héritage de mots, d'idées et de sentiments qui va avec l'idée d'un pays - mais on peut aussi se sentir "être de quelque part" juste par un accident de l'histoire, parce qu'on est né là, de ces parents-là, sans jamais parvenir à investir totalement cette appartenance. Se sentir être "de quelque part", c'est parfois défini comme une vertu, comme si ça allait de soi, mais ça ne va jamais de soi. Dans l'ordre des loyautés dues, il y a une façon très simple de dire qu'on doit d'abord sa loyauté à ses très proches, sa famille immédiate, puis à une famille élargie, puis à un clan, une région peut-être, puis à son pays. Mais est-ce si évident ? Qui l'a décrété ? Et pour tous ceux qui ont une carte d'identité d'un pays particulier, mais qui se sentent rejetés par ce pays, comment ça se tricote, cette question-là ?
Le sentiment d'appartenance, pour un humain, ça ne va jamais de soi. Être de quelque part, ça ne va pas de soi. Pourtant, on peut toujours trouver quelque chose à dire sur la question. On peut toujours désigner plus ou moins les groupes humains dont on est membre. C'est parfois problématique, mais ça peut se dire.
Être "étranger", par contre, ne peut pas se définir en soi. Est étranger celui qui "n'est pas d'ici", c'est une définition négative, une case vide. Un étranger en soi n'existe pas. Un étranger n'existe que par rapport à d'autres qu'il n'est pas.
Lorsque Dieu s'adresse au peuple d'Israël dans ses nombreuses tribulations, il lui rappelle qu'il n'est pas comme les autres, les installés, les résidents du pays, mais qu'il est un perpétuel exilé. Dans le Nouveau Testament aussi, il est question de ces croyants qui se sont reconnus publiquement étrangers et voyageurs sur la terre (Hb 11,13) et qui aspirent à leur véritable patrie : celle que Dieu leur donne.
Le texte biblique inscrit au coeur même de l'expérience de la foi l'étrangeté, la non-appartenance, l'exil, toutes choses qui ne peuvent se définir qu'en creux, par rapport à ceux qui ne sont pas étrangers, qui appartiennent à un lieu, qui ont un port d'attache. Le croyant est en exil... Le croyant est un étranger.
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