lundi 3 juillet 2017

Jugez-vous les uns les autres

Jugez-vous les uns les autres, comme je vous ai jugés.
Ce serait plus facile comme ça, vous ne trouvez pas ? ça justifierait nos penchants les plus malsains, qui consistent à regarder les autres avec méfiance pour se dire "ouhlà, celui-là, celle-là, n’est pas comme il faut !" Avec l’idée bien arrêtée que nous-mêmes, nous sommes comme il faut. Que Dieu nous a bien regardés sous toutes les coutures, que nous avons réussi à lui cacher le pire, que ça a fait illusion, et qu’il a décidé que nous étions bons pour le service, et libres de nous sentir légitimes à ses yeux. Oui, ce serait plus facile… 
Mais bien sûr, ce n’est pas ainsi que ça marche, avec Dieu.
Parce que Dieu n'est pas une idole. Une idole, par définition, c'est ce à quoi nous accordons du pouvoir, tout en sachant très bien que ça n'en a aucun et que nous pouvons très bien jeter aux orties l'objet, l'idée, la personne que nous mettons à cette place-là, quand on en a assez de supporter cette idole-là et qu'on en veut une autre. Il y a toujours de la place dans notre coeur pour une idole, et notre imagination est infinie pour en créer toujours de nouvelles. 
Si Dieu était une idole, on pourrait décider qu'il nous regarde sans sourciller et nous déclare bons pour le service, quitte à en changer un jour prochain pour que notre nouvelle idole nous serve à autre chose. Mais Dieu n'est pas une idole. 
Dieu, c'est un inconnu pour nous. Nous ne le taillons pas de nos mains, nous ne jugeons pas de sa bouille sur une affiche, nous ne l'achetons pas pour le porter autour du cou et être admirés par la foule. Il reste inaccessible. Nous n'avons pas de pouvoir sur lui. La seule chose que nous puissions faire, c'est accepter de rentrer en relation avec lui, tel qu'il se révèle à nous. Son jugement fait partie de ces choses dont nous ne pouvons pas juger objectivement. Par contre, la relation avec lui, c'est ce qu'il nous est donné de vivre. Et là, on se retrouve aimés. Dans cette relation-là, c'est l'amour qui s'expérimente. Ca s'appelle la foi. De se savoir suffisamment aimés pour que ça compte infiniment plus que tout le reste, et que ça nous donne la force de vivre tout le reste. 
Ca nous arrache à la tentation du jugement, parce que nous échappons à cette trouille du jugement. Pour nous, c'est une question réglée, par la confiance que Dieu nous accorde et que nous lui accordons en retour. 
Et pourtant, quand Jésus nous dit « aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés », nous, nous continuons à entendre malgré tout « jugez-vous les uns les autres, comme je vous ai jugés ». Ca reste toujours tapi à la porte de notre coeur, cette histoire-là. Et c'est toute une vie de foi, partagée avec d'autres, qui nous permet de continuer à expérimenter que nous sommes rendus capables de ne pas nous juger les uns les autres, pour une seule et simple raison : nous ne sommes pas jugés non plus.
Au fait, cette phrase, aimez-vous les uns les autres, elle vient d'où ? On la trouve chez Jean, en deux passages distincts : Jn 13,34-35 et Jn 15,12-17. Le même Jean qui dit ailleurs "vous ne serez pas jugés" (Jn 3,18), et précise que c'est une histoire de confiance… 



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