lundi 17 juillet 2017

Méchants fripons

"Le fait que Dieu accorde aussi sa Parole par de méchants fripons n'est pas une petite grâce. Dans une certaine mesure, il est même plus dangereux qu'il l'accorde par l'intermédiaire de saints personnages que lorsqu'il la donne par des hommes qui ne le sont pas. En effet, les auditeurs manquant de jugeote se laissent prendre et ils s'attachent plus à la sainteté des hommes qu'à la Parole de Dieu."

Belle provocation que ce rappel du réformateur Martin Luther… et vraie vérité. C'est un problème qui se pose nécessairement à tous les ministres des cultes : est-ce qu'on les écoute parce qu'ils représentent une autorité morale et spirituelle supérieure ? ou parce que, par eux, les auditeurs entrevoient quelque chose de ce que Dieu exprime et qui peut les rejoindre ? 
Il arrive hélas que nous ne soyons écoutés que parce que les auditeurs s'imaginent que nous avons un accès particulier à Dieu par une vie spirituelle fascinante ou une ascèse hors du commun, ou parce que nous avons le luxe d'avoir pour profession de parler du sens de la vie comme si on le possédait. Il arrive hélas que ce ne soit plus la Parole de Dieu que nos auditeurs recherchent, mais la relation privée entre Dieu et le ministre du culte, parce qu'elle apparaît mystérieuse, vivante et ambigument séduisante… Luther l'avait bien perçu, il avait dû vivre cela. Il y a une certaine dimension d'envie malsaine lorsque c'est votre foi qui est objet de désir, et non plus Dieu.
Chers collègues pasteurs, avez-vous connu cela ? des compliments dithyrambiques, pas sur vos talents de prédicateur, d'animateur ou de communicant, mais sur… votre foi ! La foi est pourtant ce qu'il y a de plus intime, de plus secret, en l'humain, on peut voir les oeuvres qui en jaillissent, mais bien sûr pas la foi elle-même. Ce n'est pas un objet qu'il serait possible de posséder, et donc de voler ou se faire voler. En entrant dans le ministère, j'avais peur de faire des bêtises avec la foi des autres, mais je n'avais pas prévu que la mienne pourrait devenir objet de convoitise comme si c'était le dernier iPhone sur le marché…
Mais c'est peut-être un détour nécessaire. Peut-être qu'il faut y consentir et que ça fait partie de notre fonction. Alors, il faut simplement revenir au geste de Jean-Baptiste qui désigne Jésus en disant : ce n'est pas de moi qu'il s'agit, mais de lui : regardez-le, écoutez-le. C'est dans le lien avec lui que se trouve votre foi. Moi, je suis le vilain fripon qui n'est même pas digne de lui enlever ses chaussures !

Retable d'Issenheim (musée de Colmar)

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