Qu'est-ce qu'une prédication ?
Pour les protestants, la prédication c'est le coeur du culte, ou l'un des deux coeurs lorsqu'il y a Sainte Cène. C'est ce moment où, après avoir lu un ou des textes bibliques, le prédicateur ou la prédicatrice, pasteur ou non, prend la parole pour évoquer la Parole. Ce n'est ni une explication de texte, ni un commentaire moralisant, ni un prétexte pour prêcher autre chose que la Parole elle-même. Mais quand on a dit ça... on n'a pas encore dit ce que c'était.
D'où la série de billets qui commence aujourd'hui et que j'ai intitulée "Dialogues homilétiques" (homilein c'est du grec, ça veut dire littéralement cheminer avec, ça a donné homélie ; l'adjectif homilétique désigne donc ce qui touche à la prédication). Vous y rencontrerez quelques personnages que je vous laisse découvrir au fur et à mesure : la Moderne, le Didacticien, le Héraut, le Conteur, le Pasteur et le Témoin. Il y traîne aussi un Étudiant en théologie, pas aussi naïf qu'il en a l'air. Ces dialogues ont été utilisés dans le contexte de la formation de futurs pasteurs et de prédicateurs laïcs et sont la fictionalisation de l'ouvrage de Thomas G. Long, Pratiques de la prédication : positionnements, élaborations, expériences, traduction Bruno Gérard, Genève, Labor et Fides, 2009.
Roulement de tambour... on y va.
Didacticien – Un sermon, ça doit être ordonné. Il faut que ça explique quelque chose sur la Parole de Dieu. Les gens ont besoin d’apprendre ! D’ailleurs à mon époque, tout le monde dans nos temples connaissait la Bible, ils n’avaient pas besoin qu’on leur rappelle les textes, mais qu’on leur explique ce qu’ils signifient. A eux, ensuite, de prendre la responsabilité d’en tirer les conséquences. Pour moi, la forme idéale du sermon, c’est une thèse et un développement en trois points.
Moderne – Une thèse et trois points, quatre raisons de se réjouir !
Didacticien – Je vois, on a recours à l’ironie. Et moi qui croyais que c’était un débat sérieux. C’est sérieux, le sermon, Madame !
Moderne – Oui bien sûr, c’est sérieux... loin de moi l’idée de me moquer de vous, cher Monsieur. Si vous permettez, je vous dirai tout à l’heure ce que j’en pense. Pour l’instant, expliquez-nous un peu comment vous faites, vous.
Didacticien – Le prédicateur est un ministre de l’Eglise, il a pour fonction particulière de sortir des bancs de l’assemblée pour parler. Il a été formé pour ça. C’est lui qui dispose des outils méthodologiques et des connaissances nécessaires pour expliquer un texte. Il agit au nom du Christ pour faire advenir la Parole de Dieu pour la communauté. Au travers de la prédication, Christ est présent dans l’Eglise, avec l’Eglise, pour l’Eglise ; au travers de la prédication, Christ est présent dans le monde, avec le monde. Tout ça s’articule entre la communauté, le prédicateur, le sermon et la présence du Christ. Et pour que la communauté soit bien consciente de tout cela, le prédicateur a pour fonction d’enseigner à la communauté la façon correcte d’entendre le texte. Moi, je fais ça en déterminant ce qui est important à apprendre dans un texte et en le défendant en plusieurs points.
Héraut – C’est vrai, ce qui se dit dans le sermon c’est la Parole de Dieu. Mais je vous trouve bien léger en disant qu’il faut la défendre... de quel droit devons-nous défendre la Parole de Dieu ? Pour citer mon maître, Karl Barth, « la prédication est un discours humain dans lequel et au travers duquel Dieu lui-même parle, comme un roi par la bouche de son héraut : elle doit être écoutée et reçue [...] dans la foi, comme une décision divine qui vient trancher entre la vie et la mort, comme un jugement divin et un divin décret de grâce, comme la loi éternelle et l’évangile tout ensemble ».
Didacticien – On est d’accord, le but de la prédication est de rendre présent le Christ, mais on n’en tire pas les mêmes conséquences. Pour vous, prêcher est une activité divine plutôt qu’un effort humain.
Héraut – En effet : pour moi, la communication se fait de Dieu vers la communauté, à travers le prédicateur. Mais c’est la Parole de Dieu elle-même qui se fraye un chemin ! Il ne faut jamais oublier que le but de la prédication, c’est d’annoncer le règne de Dieu, contre toutes les puissances et contre les principes de la culture. J’ai l’impression que pour vous, il faut travailler sur les principes mêmes de la culture qui empêchent d’entendre la Parole de Dieu.
Didacticien – On ne peut pas oublier la culture...
Héraut – Bien sûr, et le prédicateur est profondément responsable de la qualité de sa prédication. Mais ce n’est pas la forme qui importe, jamais. Je pense à ce que disait Bonhoeffer : « Le théologien ne peut pas apprendre à parler auprès du politicien ou de l’acteur [...]. Notre langage doit être préparé jusque dans la formulation, sans qu’il devienne pour autant une déclamation. Il y perdrait sa véracité et son naturel [...]. Celui qui, selon d’autres normes, peut être un mauvais orateur, mais qui prêche selon le don qu’il a reçu, peut exercer, et exercera, une grande influence spirituelle. Qu’on ne choisisse pas le langage du tribun, qui veut persuader ses auditeurs, ni celui de l’éducateur populaire, qui subordonne ses paroles à des projets. »
Conteur – Une seconde ! Vous dites que la forme n’a aucune importance ? Mais si les auditeurs ne comprennent rien, la prédication n’a aucun sens !
Pasteur – Moi j’ai une autre objection...
(à suivre...)
Jean le baptiste prêchant dans le désert (Fontebuoni) |
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