samedi 1 septembre 2018

De ou pour ?

- Alors mon humaine, où étais-tu passée ?
- Tiens mon chaton ! Alors, ils sont confortables ces cartons ? Tu sais, il va falloir que je les vide à un moment ou à un autre.
- Même mon préféré ? 
- Celui qui contient les manuels de patristique ? Non, celui-là il va peut-être rester un peu.
- Pourquoi ? sur quoi tu travailles en ce moment ?
- Toujours la même chose, l'hospitalité comme concept théologique. 
- Ah.
- Oui, ah. Mais aujourd'hui, j'essaie de répondre à une question qu'on m'a posée récemment : de quoi on doit être sauvé ?
- Bonne question.
- Oui. N'empêche qu'on peut la questionner, la question. "De quoi doit-on être sauvé", si on se le représente, c'est un peu le coup d'oeil par-dessus l'épaule pendant qu'on court pour essayer d'échapper à quelque chose, tu vois ?
- Oui, je vois. Tiens puisqu'on parle de courir, j'ai une critique à propos de cette nouvelle maison. 
- Ah oui ?
- Les virages. 
- Pardon ?
- Toi, tu as des semelles qui accrochent. Mais moi j'ai des griffes et des coussinets. Et dans les virages, ça rippe.
- Je ne comprends toujours pas.
- Bon, tu vois hier quand tu as passé l'ignoble azpirateur ? (d'ailleurs je ne comprends pas pourquoi tu l'as emmené celui-là, ou si tu devais absolument l'emmener, pourquoi tu l'as sorti du carton). 
- Oui, je vois, ça m'arrive.
- Alors tu vois, c'est pas que ça m'effraie, c'est juste que je suis prudent, tu vois ? Alors quand tu vas le chercher, je m'éclipse.
- Oui, j'avais remarqué, en effet.
- Seulement sur le carrelage ou sur du parquet bien ciré, dans les virages, ça rippe. 
- Ah voilà pourquoi les angles droits te prennent quelques secondes ?!
- Oui. Et je doute que ce soit d'une extrême élégance. J'y ai perdu quelques grammes de dignité, hier, dans les virages. 
- Alors tu comprends la métaphore quand je dis que vouloir être sauvé de quelque chose, ça touche au plus profond de nous, parce que ça écorche notre dignité, notre égo, notre être même ?
- Mioui.
- Du coup, je me demande si c'est bien la bonne façon de tourner la métaphore, ou plutôt si cette métaphore-là ne nous enferme pas dans une dimension imaginaire qui va à l'encontre de l'Évangile.
- Le coup d'oeil par-dessus l'épaule, tu veux dire ?
- Oui, je crois que c'est ce que je veux dire. Ça fait de nous des êtres apeurés sous le regard de Dieu.
- Tu ne peux pas nier qu'il y a des textes qui défendent cette vision-là, ceci dit.
- Non, je ne peux pas le nier, ils sont bien là. Mais ce n'est pas la totalité de ce que nous est dit sur le salut.
- Il y aurait une autre métaphore ?
- Je vais essayer. Par exemple, plutôt qu'un coup d'oeil apeuré vers l'arrière pour échapper à quelque chose, on pourrait imaginer un regard tendu vers l'avant, vers ce qu'on ne peut pas encore voir.
- Le passé ou le présent, l'arrière ou l'avant, le connu ou l'inconnu, c'est ça les oppositions entre ces deux métaphores ? 
- Oui, c'est ça. Et je me demande si la bonne nouvelle, ce n'est pas de tenir ferme à ce coup d'oeil vers l'avant, vers l'inconnu, vers l'inattendu. Vers le Royaume, en fait.
- Dans le premier cas il faut être sauvé de quelque chose, mais dans le deuxième, on est sauvé de quoi, alors ?
- On est pas sauvé de quelque chose, on est sauvé pour quelque chose.
- Miaouhoua !
- Oui... 
- OK, c'est pas mal. Mais j'ai l'impression que ce n'est pas vraiment l'un contre l'autre. C'est les deux à la fois, non ? On est sauvé de quelque chose (du péché, de l'égarement, du mal...) et pour quelque chose (le Royaume, le paradis, la vie véritable, l'à-venir...).
- Mon chaton, ça fait écho à un truc, mais à quoi déjà ? Ah oui, Luther... quand il dit que le croyant est à la fois "juste et pécheur" (simul justus et peccator en latin dans le texte), ça doit pouvoir se dire comme ça : on est à la fois pécheur (on a besoin du salut comme ce qui nous libère de ce qu'on aperçoit derrière notre épaule) et juste (on a besoin du salut comme ce qui nous pousse vers ce qu'on ne peut qu'apercevoir devant). 
- Hmmm, je vois. Derrière, l'azpirateur. Devant, mon carton. 
- C'est ça. Je crois. 



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