vendredi 31 août 2018

Qui a une âme ?

Les femmes ont-elles une âme ? C'est le titre d'une conférence que j'ai un temps projetée, avant d'en être dissuadée par une bonne âme qui craignait que ça ne soit pris pour une provocation. Certes, mais enfin je persiste à penser que c'eut été un titre pertinent. 
On ne pose peut-être plus la question de la même façon de nos jours, dans le monde sécularisé qui est le nôtre, mais la question se pose toujours : à quels humains une société donnée reconnaît-elle le statut et la dignité d'êtres humains ? Que faut-il faire ou être pour mériter ce titre et les avantages qui l'accompagnent ? Quels sont les obstacles insurmontables à la reconnaissance du statut d'être humain ? Bref, à qui, en tant que société, reconnaissons-nous une âme ?
Et avouez qu'accorder une âme à quelqu'un, ça nous ouvre tout un tas d'embêtements. Parce qu'on s'interdit dès lors de traiter ce quelqu'un comme un objet. Fondamentalement, un violeur ne reconnaît pas d'âme à sa victime. Un trafiquant d'esclaves non plus. Mais il y a des agressions plus subtiles qui dénient elles aussi le statut d'humain à autrui, c'est tout simplement le fait de refuser de lui reconnaître une vie intérieure. Pour reprendre les mots du psychiatre Boris Cyrulnik, "dès l'instant où l'on accorde une âme à un autre, on lui parle comme à quelqu'un qui a un monde du dedans, qui nous intéresse, qui nous étonne, qui nous irrite, mais dont il faut tenir compte. Donc le fondement de la morale apparaît : Je dois tenir compte de l'existence de votre âme". 
Je crois que tout l'Évangile (littéralement, la bonne nouvelle) tient en ceci que c'est l'humain qui compte, par-delà tout le reste. Paul le disait ainsi : "Il n'y a plus ni Juif ni Grec, il n'y a plus ni esclave ni libre, il n'y a plus ni homme ni femme, car tous vous êtes un en Jésus-Christ". Ça ne signifie pas que les caractéristiques personnelles disparaissent, mais que personne ne peut s'en réclamer pour dénier à l'autre son humanité. Tout ce qui dénie l'humanité de l'humain relève du péché, c'est-à-dire de ce qui égare, ce qui fait perdre le cap de la juste relation à Dieu. Tous un en Jésus-Christ, ça signifie que l'autre est un monde qui se déploie dans le Royaume, comme je suis moi-même un monde vivant d'une autre vie. 
Si quelqu'un vous dénie votre statut d'être humain, c'est qu'il rend un culte à une idole, à cette chose que dans son imagination vous devriez être pour qu'il vous accepte. Ce n'est pas ainsi que le Royaume fonctionne. 
Alors, les femmes ont-elles une âme ? Et bien pas pour tout le monde. Après tout, le féminisme, c'est l'idée révolutionnaire selon laquelle la femme est un être humain. Les migrants, les pauvres ont-ils une âme ? Les homosexuels ont-ils une âme ? La "bonne" couleur de peau garantit-elle une âme ? L'âge, la maladie enlèvent-elles une âme ? La liste est interminable. Elle se dessine différemment selon les époques, selon les civilisations. Mais la question, elle, ne change jamais : qui a une âme ?

L'invisible

2 commentaires:

  1. ... et le fait de ne pas avoir d'âme (je pense aux animaux) fait-il de vous un objet qu'on peut maltraiter ?

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  2. Je vous rappelle que je vis avec un chat, je ne me risquerais pas à dire que les animaux n'ont pas d'âme ;-)

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