samedi 19 mai 2018

Dialogues homilétiques (2)

Six protagonistes plus un étudiant en théologie sont en train de discuter le bout de gras sur ce qu'est la prédication et comment on doit la faire, la penser et la présenter. 

Conteur – Une seconde ! Vous dites que la forme n’a aucune importance ? Mais si les auditeurs ne comprennent rien, la prédication n’a aucun sens !
Pasteur – Moi j’ai une autre objection : si je comprends bien votre citation de Bonhoeffer, vous dites qu’on n’a pas le droit d’avoir des projets pour ses auditeurs ? Est-ce que vous entendez par là qu’il ne faut pas tirer de leçons du texte biblique ?
Héraut – Il ne faut pas oublier que c’est Dieu qui parle dans la prédication. Si c’est le prédicateur, avec des projets pour lui-même ou pour les autres, où est la place de Dieu ? La seule question, c’est de savoir si le sermon est un reflet fidèle de la Bible. Quand j’écris un sermon, j’écoute le texte pour annoncer la Parole, fidèlement et en vérité, à moi-même comme aux autres. Faire des manières pour rendre le sermon plus vivant ou plus convaincant, c’est se méfier du message divin. C’est prétendre que nous pourrions améliorer le langage de Dieu.
Témoin – Vous voulez dire qu’il est interdit de réarranger quelques mots du sermon pour que la Parole de Dieu devienne plus claire ?
Héraut – Pour moi, ce qui compte c’est l’écoute et l’obéissance à la Parole de Dieu. Je suis à son service. J’ai un message à délivrer qui vient d’un autre que moi. Il nous est promis que Dieu est présent lorsque sa parole est fidèlement prêchée et je m’appuie entièrement sur cette promesse. Tout ce que je dois faire, c’est accompagner le chemin de la Parole vers la communauté, comme dirait Bonhoeffer. Ou pour citer Karl Barth, c’est Dieu qui dit le premier et le dernier mot. Le prédicateur a une fonction prophétique : il porte la Parole de Dieu, c’est tout. C’est déjà beaucoup !
Pasteur – Mais enfin, il faut bien que les gens repartent avec des idées précises sur ce qu’ils doivent faire après avoir entendu la Parole de Dieu !
Héraut – Monsieur, vous blasphémez. A mon époque, on n’aurait jamais entendu des choses pareilles de la part d’un prédicateur. La prédication doit avoir du contenu, un contenu profondément biblique et théologique, un contenu vital. Il n’a rien à voir avec des considérations moralistes ou ces petites anecdotes triviales dont les prédicateurs d’aujourd’hui encombrent leur prose ! D’ailleurs c’est ça le problème : ils considèrent que c’est leur prose, et pas celle de Dieu ! Le pire, c’est que certains prédicateurs mesurent l’efficacité de leur prédication au charisme qu’on leur trouve ! Mais soyons clairs : personne n’exclut que la prédication puisse contenir un appel à une décision personnelle de la part de celui qui écoute. Mais cette décision a lieu uniquement entre l'humain et Dieu. Ce n'est pas un élément de la prédiccation. Et il n'est pas question non plus de rendre esthétique la vérité de Dieu, avec des histoires gentillettes, des images ou des effusions sentimentales. Le kérygme, c'est-à-dire l'annonce de la Bonne Nouvelle claire, nette et précise, et rien d’autre, voilà ce que je dis. Ça demande d’être à l’écoute du texte et de Dieu. Ça demande du courage.
Conteur – Vous critiquez les embellissements narratifs. Mais vous ne pouvez pas nier que la Bible a été écrite pour être lue à haute voix. Ce sont des textes qui captivent leur auditoire. Et vous, vous dites que la prédication ne doit s’appuyer sur aucun artifice rhétorique ou aucun effet de style ? Mais c’est le texte biblique lui-même qui est conçu pour toucher les gens ! Ce n’est jamais un message tout cru, un message pur ! 
Moderne – Si vous permettez, messieurs, je pense que vous vous trompez tous les deux...

(à suivre)

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