Après avoir abordé le problème du cynisme qui guette tous ceux qui s'impliquent dans leurs engagements, il parle du compromis. Il s'appuie sur une courte parabole de Jésus dans la version de Matthieu, juste après le Sermon sur la montagne (Mt 7,13-14) : "Entrez par la porte étroite ; car large est la porte et spacieux le chemin qui mènent à la perdition, et il y en a beaucoup qui entrent par là. Mais étroite est la porte et resserré le chemin qui mènent à la vie, et il y en a peu qui les trouvent". De quoi parle Jésus ici ? Du salut ? Non, dit l'auteur : "Jésus ne pouvait pas dire que nous n'entrerons au paradis que si nous obéissons dans ses moindres détails au Sermon sur la montagne, comme s'il disait : Seuls quelques-uns d'entre vous serons justes, et si vous l'êtes, bienvenue au paradis". Si c'est le cas, nous sommes tous condamnés, moi le premier. Non, je crois que ce que Jésus veut dire, c'est que de l'autre côté de notre confiance en lui en tant que Seigneur, il y a une autre vie, une vie renouvelée, qui ne se trouve que si vous confiez totalement votre character et votre âme à Dieu. Ça ne vous sauve pas. C'est plutôt une réponse au salut."
La conversion, en ce sens, est le début d'un chemin qui nous appelle à évoluer avec Dieu qui nous transforme profondément. C'est difficile, mais ça vaut le coup...
Autrement dit, devenir quelqu'un de bien ne nous gagne pas le salut, c'est la conséquence du salut, pour peu qu'on accepte de se lier à Dieu de cette façon. Le salut, en théologie on peut appeler ça la justification ; la suite du chemin, on appelle ça la sanctification. Il faut savoir que les différentes confessions chrétiennes ne comprennent pas toutes de la même façon comment tout ça s'articule, même si toutes sont d'accord pour dire que ce qui vient en tout premier, le cadeau fondamental de Dieu, c'est la grâce et que c'est donné une fois pour toutes, ça ne peut pas se retirer et ça ne se gagne pas. Par contre, ce qui se passe ensuite est en débat. Pour évoquer cette question, j'aime beaucoup cette parabole d'André Gounelle :
On pourrait comparer le salut, tel que le comprend le catholicisme traditionnel, à un garçon et à une fille qui éprouvent de l'attirance l'un pour l'autre et qui mettent en place un système de rencontres, une pédagogie et une stratégie qui leur permettront de faire naître et grandir un véritable amour. Tandis que le salut tel que le conçoit la logique de type luthérien ressemble à un coup de foudre qui à chaque moment doit se renouveler et s'actualiser. Selon la logique réformée (calviniste), il y a au départ le coup de foudre ; ensuite, il faut vivre ensemble, organiser l'existence, inscrire l'amour qui a jailli dans la durée.
Trois positions théologiques différentes donc : le salut se gagne ; le salut se reçoit à chaque instant ; le salut se reçoit et nous engage. Carey Nieuwhof s'inscrit nettement dans la tradition réformée lorsqu'il parle de résister au compromis qui envahit notre vie si nous n'y prenons pas garde : il faut, pour vivre avec Dieu, se plier à une discipline qui permette à l'amour de s'épanouir.
Il offre trois pistes pour cela. La première : prendre nos responsabilités. Plus d'excuses, plus de reproches aux autres qui nous dédouanent, mais accepter qu'on peut se changer soi-même. La seconde : harmoniser ramage et plumage. En se forçant à dire la vérité en toute circonstance, on s'encourage soi-même à se transformer. En effet, en mentant on peut toujours cacher les choses peu reluisantes en nous, mais si on s'engage à dire toujours la vérité, on a tout intérêt à se conduire bien pour ne pas se mettre dans une position embarrassante. La troisième : ne pas hésiter à faire passer avant tout le reste le travail sur soi-même. L'auteur pose la question : "Qu'est-ce qui est vraiment égocentrique : se compromettre encore et encore jusqu'à ce que votre famille cesse de vous respecter et jusqu'à ce que vos collègues ne vous fassent plus confiance, ou prendre du temps tous les jours pour devenir quelqu'un d'une grande intégrité et d'un grand honneur ?" Il rappelle que Jésus, avant de commencer son ministère de 3 ans, avait mis 30 ans à se préparer. Préparer pour soi-même une solide fondation spirituelle, émotionnelle, relationnelle prend du temps, de la discipline, de la volonté, une profonde honnêté envers soi-même, c'est le prix de la maturité spirituelle : "alors, votre vie intérieure s'harmonisera enfin avec votre vie extérieure".
Ce chapitre est important, parce qu'il rappelle des vérités que les épîtres du Nouveau Testament évoquent longuement et que nous n'aimons peut-être plus beaucoup lire aujourd'hui. Les deux seuls écueils à sa lecture, je crois, restent les écueils qui guettent toute religion quelle qu'elle soit : qu'on croie, d'une part, qu'il suffit de bien agir pour se gagner son paradis auprès d'un Dieu exigeant ; et qu'on se sente justifié, par tous les efforts qu'on fait sur soi-même, pour juger des autres et de leur propre sort dans cette vie et dans une vie à venir.
Et vous, qu'en pensez-vous ?
Ces conclusions ressemblent un peu à des conseils de développement personnels, et me font penser aux 4 accords toltèques. Si je trouve ça relativement pertinent et amène sans doute vers un mieux-être, le danger c'est de se sentir en échec à nouveau et d'en souffir de constater cet impossibilité à "dire la vérité", à "travailler sur soi-même"... Et si on arrivait vraiment à accepter nos intranquilités ? "La grâce comme un surplus qui s'accomode de l'abandon du bien-être et du confort." cf : Marion Muller Colard, l'intranquilité.
RépondreSupprimerJe suis vraiment d'accord avec toi... d'ailleurs ça me rappelle de longues conversations sur les usages de la loi ! Le troisième usage nous fait toujours courir le risque de croire qu'on peut acheter la grâce et, au fond, s'en passer, plutôt de d'accepter le déséquilibre permanent qui consiste à tout attendre de la grâce... J'espère qu'on aura l'occasion d'en discuter à nouveau :-)
RépondreSupprimerOui : j'espère aussi !
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