jeudi 21 mars 2019

Quel triomphe ?

Pâques, c'est la fin de la mort. Mais le mal, le péché et la mort n’ont pas l’air au courant... depuis 2000 ans bientôt, c’est toujours la même histoire. Alors quoi ? Il fait quoi Dieu, alors que son plan initial n’a pas l’air d’avoir marché ?
On s’est tous demandé ça, non ? On a tous eu envie d’écrire au Père Noël, après avoir constaté que la création de Dieu n’avait pas l’air de se porter aussi bien que le triomphe de Pâques le laissait entendre.
Mais d’ailleurs, à bien y regarder, le triomphe de Pâques, c’est quoi au juste ? Dans ce monde fou, plein de danger et de mort, le triomphe de Pâques, ça aurait dû être Dieu qui vient sonner la cavalerie et remettre tout ça à l’endroit, non ? La démonstration de son pouvoir, de sa force qui surpasse toutes les forces. Parce qu’il est plus costaud que le mal et que la mort. Mais c’est quoi, Pâques ? C’est un tombeau vide. C’est le contraire d’une victoire militaire, d’une démonstration de force, de la fin de toute guerre et de toute misère. Et ce n’est même pas parce que, finalement, tout bien considéré, la force de Dieu n’était pas assez grande pour vaincre la mort. Non. La force de Dieu, on ne la connaît pas. Parce que tout ce que nous connaissons, c’est un tombeau vide. Du rien. De l’absence. Et surtout, surtout, l’absence de la toute-puissance de Dieu.
A Pâques, c’est Dieu qui dit qu’il ne viendra pas mettre un grand coup de pied dans la fourmilière. C’est Dieu qui renonce, définitivement, à faire acte de toute-puissance pour massacrer les méchants. Et ça, ça nous embête. On n’est pas tellement prêts à laisser passer ça. Parce qu’on a l’air malin, nous autres croyants, quand on dit que Dieu a déjà vaincu la mort, et que tout ce qu’on a à montrer pour ça, c’est un tombeau vide... C’est tout ? Et oui, c’est tout... 
Ca devrait, pour le moins, nous enseigner l’humilité. Mais je ne crois pas que Dieu ait laissé le tombeau vide juste pour donner un petit coup sur le nez de nos egos surdimensionnés. Non, ce qu’il a laissé sur terre en laissant le tombeau vide, c’est bien une démonstration de puissance. Mais une puissance si étrange, si extraordinairement étrangère pour nous, que nous ne pouvons qu’en apercevoir quelque chose, parfois, au détour d’un regard dans le miroir, au détour d’un chemin, dans un instant de complicité, dans un regard échangé, dans un moment de grâce... Il nous est donné, parfois, de comprendre quelque chose... Un tout petit quelque chose, qui vient bouleverser notre vie. 
Cet endroit secret, en nous, où nous ne pouvons pas mourir. Un endroit qui résonne comme un tombeau vide, comme un creux secret. Un endroit où nous pouvons nous retirer pour y retrouver Dieu, en toute simplicité. Un endroit où Satan, le péché et la mort n’ont plus cours, n’ont plus aucun pouvoir. Un endroit où nous accueillons celui qui est un étranger total pour nous, Dieu, inconnaissable et mystérieux, et si proche, et si familier.
La victoire du Christ a tout l’air d’une défaite aux yeux du monde. La victoire du Christ est subtile. Elle est même minuscule. Elle est un tout petit rien. Elle est ici et maintenant. Elle a lieu à chaque fois qu’un étranger est accueilli. A chaque fois qu’un plus petit est nourri, qu’il reçoit un verre d’eau. Que ses blessures sont pansées. A chaque fois qu’un pardon est prononcé, une bénédiction donnée en vérité. A chaque fois qu’un mot de prière s’échappe de nos lèvres. A chaque fois qu’un mot de nos bibles prend sens. A chaque fois que, au milieu de deux ou trois, ou cent ou mille, d’entre nous, le nom du Christ peut résonner comme un secret espoir. A chaque fois que nous nous sentons ressuscités par un rien, une parole, un geste, un pardon. A chaque fois. Il est là. Et il est vivant. Parce qu’il fait de nous des vivants. Parce que, à travers lui, le Royaume de Dieu s’ouvre pour nous, l’espace d’un instant, et devient réel.
La victoire du Christ a tout l’air d’une défaite aux yeux du monde. Mais à nous, elle ouvre la vie. C’est tout.

Fra Angelico

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