- Alors, mon humaine, comment ça v...
- Nan ! Ronch ronch ronch
- Oh. C'est pas la forme, hein ? Qu'est-ce qui se p...
- Je HAIS les hôpitaux !
- Ah. Mais je croyais que tu avais découvert qu'on y rencontrait des gens épatants ?
- Pfff. Ouais. Mais je hais les hôpitaux.
- Je sens que tu vas m'expliquer ça...
- Dans la réalité de la vie humaine, tu deviens malade quand ton corps déraille (la métaphore vaut ce qu'elle vaut).
- Hmmm. Ca vaut pour les chats, aussi.
- Oui, évidemment. Mais dans le système médical, tu vois, tu deviens malade quand la médecine a trouvé ce que tu as.
- Et avant ça ?
- Avant ça, dans le pire des cas, tu continues à faire ce que tu fais en attendant que la médecine te reconnaisse malade. Dans le meilleur des cas, on te colle dans une sorte de case intermédiaire.
- Comme quoi ?
- Dépression, par exemple. Parce qu'il faut bien te mettre quelque part pour pouvoir te soigner. Ca part d'un bon sentiment, celui de vouloir soigner.
- Et tu viens de te retrouver dans une case intermédiaire, c'est ça qui te rend toute grounch ?
- Ouais. Encore une. Quand j'ai fait un AVC, on m'a dit que c'était à cause d'une certaine case où on m'a collée illico en m'expliquant que c'était fini et que tout allait bien. Je n'allais pas bien. Alors on m'a collée dans d'autres cases en attendant d'en savoir plus. Neuf mois plus tard, on a découvert au décours d'un examen plus poussé que la case initiale n'était pas la bonne et qu'il était normal que je n'aille pas bien. On aurait dû virer les cases intermédiaires qui n'avaient plus de raison d'être, mais par précaution on m'y a laissée. Et petit à petit, je me suis retrouvée dans tout un tas de cases, certaines par précaution, d'autres en attendant de voir, certaines qui étaient certaines et certaines qui étaient incertaines. Maintenant, je ne sais plus où je crèche. Il y a des petits bouts de moi un peu partout (métaphoriquement) et de rendez-vous en rendez-vous, j'ai du mal à me réunir...
- Ma pauvre humaine... essaie la sieste, ça regroupe pas mal. Mais tu crois que c'est une aberration du système médical ?
- Non ! même pas ! c'est ça le pire, c'est que c'est utile ! Pas tant pour les gens individuellement que pour pouvoir s'occuper de la santé de tout un groupe humain, dans l'intérêt général. Parce que, heureusement, la médecine moderne est basée sur des principes scientifiques, qui impliquent de gérer des grands nombres. Et personne ne peut aujourd'hui remettre ça en question, parce que ça sauve des vies, pour de vrai.
- Mais ?
- Mais le bien collectif, ça ne dit encore rien de l'être même de chacun. Et c'est dans notre être même que ça se passe, d'être humain... dans ce coin inconnu de nous-même, qui a un besoin infini d'être reconnu comme unique, et soutenu par la relation avec d'autres, une relation vraie, en confiance. Sans case.
- Je sens venir la chute théologique.
- Tu sens bien, mon chaton. Il se murmure chez ceux qui croient que Dieu, pour parvenir à chacun, ne passe pas par la masse des grands nombres. Il se rend présent dans cette part inconnue de nous-même... pour Dieu, ma case est sa case. Quelle qu'elle soit.
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