Dieu est ému, par la pure et gratuite dilection qu'il nous porte, à nous recevoir en grâce. (Calvin, Institution 387)
C'est une histoire de mouvement, au fond. Être ému, c'est être poussé par l'émotion, être animé par l'émotion : pas rester statique, mais se trouver, malgré soi, entraîné. Et Dieu, nous dit Calvin, est ému. Pas ému par l'humanité, non, encore qu'on puisse sans doute plaider pour une mignonnerie intrinsèque, un peu comme on trouverait un chaton mignon, mais qui n'a jamais vu un chat feuler de rage ne se fait que des illusions sur la nature féline. Or Dieu ne se fait aucune illusion sur la nature humaine.
C'est par la "pure et gratuite dilection qu'il nous porte" que Dieu est poussé à quelque chose envers nous. La dilection, c'est ce qui se passe après la pré-dilection : c'est l'élan de tendresse qui pousse à chérir intensément, c'est ce qui anime l'amour le plus pur, l'amour véritable. Pure et gratuite dilection : sans aucune raison valable, Dieu nous aime. C'est une folie pour nous - plus joliment on appelle ça un mystère, mais je trouve qu'appeler ça une folie nous rappelle que vraiment, c'est par-delà nos petits calculs manipulateurs pour s'approprier l'amour de Dieu par n'importe quel moyen. Pure et gratuite dilection !
Et elle lui fait faire quoi, la dilection, à Dieu ? A nous recevoir en grâce. Ca ressemble à du patois de Canaan (le patois que les prédicateurs font volontiers tomber des chaires sur la tête pensante de leurs brebis qui le comprendront si elles ont fait leur caté), mais en vrai, ça veut vraiment dire quelque chose. Être reçu en grâce, c'est comme, pour un prisonnier, recevoir la grâce : malgré les décisions de justice, quelque chose vient qui rend libre, malgré tout. Sauf que Calvin ne dit pas que nous recevons la grâce, mais que nous sommes reçus en grâce... Nous ne sommes pas des récipients plus ou moins volontaires de la grâce, mais des pélerins, des voyageurs incertains qui arrivent en pays inconnu et infiniment accueillant : le pays de la grâce. Le Royaume de Dieu.
A Noël, nous sommes appelés à abandonner nos ambitions de parvenir par nous-mêmes dans ce pays fabuleux. C'est ce pays fabuleux qui survient parmi les hommes. Le ciel est tombé sur la terre. Regardez l'étoile, c'est cette histoire-là qu'elle raconte : l'histoire du mouvement de Dieu vers les humains.
Affiche du film de Timothy Reckart (2017) |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Pour laisser un commentaire