mercredi 20 septembre 2017

Un roi parti en voyage

- Dis, mon humaine, à ton avis, comment ça marche, une parabole ?
- Mmffhshff...
- Mioui. Je vois.
- M'enfin mon chaton, il est cinq heures du matin ! ça peut pas attendre que le réveil sonne ?
- ...
- Oui, je sais, tu es un chat. Pour toi, vivre le jour et dormir la nuit c'est une aberration, et que tu le tolères sous ton propre toit n'est qu'un effet de ton immense miséricorde, laquelle n'étant que féline a parfois ses limites. OK. C'était quoi, la question ?
- Les paraboles, à ton avis, comment elles fonctionnent ?
- Tu veux dire, comme celle de la semence qui pousse toute seule, celle où il est dit : "Qu'il dorme où qu'il veille, la semence germe" (Mc 4,27) ?
- Il est dit aussi "Veillez, car vous ne savez ni le jour, ni l'heure." (Mt 24,42)
- "Et lui, il dormait." (Mc 8,24)
- "Vous dormez encore !" (Mt 26,45)
- "L'enfant n'est pas morte : elle dort." (Mc 5,39)
- "Ne dormons pas comme les autres, mais veillons." (1 Th 5,6)
- OK, OK, OK ! Je devrais pourtant savoir qu'il ne faut jamais entrer dans une bataille de citations avec toi ! je me fais avoir à chaque fois! 
- J'ai une question technique à propos de la parabole des talents.
- Miouiui. Voilà : dans la version de Matthieu (Mt 25,14-30), on nous parle juste d'un homme qui part en voyage et qui confie ses biens à ses serviteurs. Dans celle de Luc (Lc 19,11-27), il s'agit d'un homme de haute naissance qui s'en va dans un pays lointain pour se faire investir de l'autorité royale et revenir ensuite. Et le verset d'avant, l'auteur dit que Jésus dit cette parabole "alors qu'il était près de Jérusalem et qu'on croyait qu'à l'instant le Royaume de Dieu allait paraître". Donc, logiquement, il parle de lui-même, non ?
- Oui, sûrement. Mais je ne suis pas sûre que ce soit la chose la plus importante à déterminer. On se doute bien qu'il ne s'agit pas d'un type ordinaire, c'est sûr...
- Le maître qui fait les comptes à son retour, c'est lui, non ?
- Pour l'immense majorité des exégètes, oui, bien sûr. Il s'agit de parler du Christ en train de dire qu'il s'en va vers son avènement mais que tout n'est pas fini pour autant, au contraire, tout commence.
- Alors c'est assez important, non ?
- Oui, évidemment ! c'est essentiel ! et on ne peut pas en faire l'économie dans la prédication... Mais justement, peut-être qu'on a tellement entendu cette parabole, on l'a tellement méditée, qu'on n'entend plus les détails, les aspérités, les accrocs, on va directement à sa signification et on oublie de passer par les étapes du doute et de l'hésitation de lecture.
- Mioui ?
- A un moment ou à un autre, toutes les paraboles déraillent. On avait l'impression d'avoir tout compris, d'avoir distribué tous les rôles et compris toutes les ficelles, et puis il y a un truc qui coince. Et c'est là que ça devient intéressant.
- Mioui ? continue, j'aime bien ta douce voix...
- A un moment, il ne peut plus s'agir de parler de notre monde ni de trouver une compréhension parfaite ni une leçon de morale applicable à nos vies. Il s'agit de voir comment ça parle à côté pour nous entraîner dans autre chose.
- Mmmmm...
- Tu vois, à un moment, il faut prendre une décision sur la place que toi, tu peux prendre dans la parabole. Ne pas rester dehors, mais oser mettre un pied dedans et voir comment tu vis dedans... Tu vois ?
- ...
- J'y crois pas. Il dort.


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