samedi 15 décembre 2018

Un voleur dans la nuit

Joseph et Marie avaient trouvé porte close. Pour Dieu, c'est une histoire de tous les jours... mais au lieu de les ouvrir de force, nos portes closes, voilà qu'il s'installe ailleurs, dans le dernier endroit auquel nous penserions, un lieu qui n'a pas de porte, le plein air, ouvert à tous les vents... On se souvient d'une grotte, mais ça devait moins tenir de la maison d'un hobbit que d'un vague creux dans le rocher pour que le bétail puisse se mettre à l'abri de la pluie la plus drue. 
Il y a chez Matthieu, au chapitre 24, une autre histoire de porte : une parabole sur le propriétaire d'une maison qui, bien que préparé et ayant fermé sa porte à double tour, voit le mur de sa maison défoncé par un voleur. Ce qui est le plus étrange dans cette étrange histoire, c'est la chute, le commentaire de Jésus après l'histoire : "tenez-vous prêts, parce que vous ne savez pas à quelle heure le Fils de l'Homme va venir". Etrange pour beaucoup de raisons : c'est lui, le Fils de l'Homme, qui parle, donc il est déjà venu, pourtant il parle au futur ; le propriétaire était prêt et pourtant sa maison a été forcée, du coup on voit mal en quoi il est bien utile de se tenir prêt ; ça a l'air étrange de dire que la venue du Fils de l'Homme est un cambriolage et pas quelque chose un minimum positif... Bref. 
Prévoir l'imprévisible pour un résultat inutile, si c'est ça le message de l'Evangile, pardon mais très peu pour moi, je ne suis pas fan des missions impossibles. 
Sauf que... si on pousse de côté tous les détails pour ne garder que l'essentiel, que se passe-t-il dans cette histoire ? Quelqu'un vient ignorer royalement une porte fermée à double tour et fait un trou dans le mur pour entrer dévaliser ce qui se trouve à l'intérieur. 
Dieu qui ignore nos portes fermées pour s'installer quand même dans le monde, ça s'est déjà vu, c'est la nativité. On peut donc imaginer qu'une histoire sur quelqu'un qui ignore une porte fermée parle de Dieu. Mais Dieu est-il un voleur ? sérieusement ? c'est ça la morale de l'histoire ? Dans toutes les lectures, il y a des moments de découragement et il semble que nous l'ayons atteint.
Jusqu'au moment où, prenant le texte au sérieux, on peut admettre du bout des lèvres que le vol a du bon. Non seulement Jésus vient comme un voleur dans la nuit et nous ne sommes pas prêts, mais en plus il vient nous voler. Il passe à côté de la porte fermée, il se rit de nos précautions, il vient embarquer quelque chose. Je vois bien ce qu'il pourrait me prendre et qui me soulagerait, à vrai dire : colères, solitudes, doutes, et surtout certitudes. Toutes ces certitudes sur Dieu qui m'encombrent tellement, toutes ces certitudes sur le monde comme il va, sur moi-même et sur les autres. Dans ce temps de Noël où nous passons notre temps à remplir nos caddies, nos assiettes et notre temps en multipliant les obligations et les choses, laisser Dieu creuser en nous du rien, du vide, en nous débarrassant de ces choses qui nous encombrent et nous rendent malheureux sonne en effet comme une bénédiction.
Comme un voleur dans la nuit, il vient briser quelque chose, là, dans notre vie même, au creux de nous-même. Il ne se manifeste pas là où nous l'attendions, il dérobe au lieu de donner... quel Dieu étrange nous avons. Nous ne sommes pas prêts à ce Dieu-là. Nous ne pouvons être prêts qu'à voir, après coup, les effets de son passage. Nous pouvons être prêts à constater qu'il était là
Il nous déleste pour la vie, il fait le vide pour l'espérance. Vraiment, il était là... demain. 

Francesco del Cossa
(et l'escargot !)

1 commentaire:

  1. Et venir là où on ne l'attend pas. Il ne passe pas à l'endroit où l'on avait tout préparé !

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