mercredi 6 février 2019

Siglibert à la recherche d'une communauté

Siglibert Lepont était toujours en recherche de réponses à ses questions - ou peut-être était-ce de questions à ses réponses, qui peut le dire ? Puisque Dieu se montrait silencieux avec lui, il se trouva contraint de se tourner vers ses semblables, dans l'espoir qu'en leur compagnie, peut-être, il comprendrait quelque chose. 
Il se trouva un jour entraîné par une jeune et enthousiaste connaissance qui lui affirma avoir trouvé la communauté idéale : "Viens voir, c'est trop sympa ! Avec ces gens-là, on partage vraiment quelque chose, on se fait confiance, on chante, on prie, on lit la Bible, c'est chaleureux, c'est comme une vraie famille où il n'y a pas d'oncle grincheux !" Alors il était allé voir, prudemment. Il avait trouvé, c'était donc vrai, une communauté chaleureuse, s'était fait embrasser et serrer la main avec affection et conviction, on lui avait demandé d'où il venait, où il en était avec sa foi, à quel groupe il voulait se joindre. Il n'y comprenait goutte, mais c'était chaleureux, c'est vrai. Il sentait bien qu'avec ces gens-là, vraiment, il aurait pu partager toute une vie. Lui qui vivait, comme tant d'entre nous, dans une grande ville anonyme, noyé dans la masse, il lui était précieux de trouver un lieu et des gens avec qui partager véritablement l'expérience de la chaleur humaine. Il avait l'impression de revenir dans le village où il passait ses vacances enfant, où tout le monde se connaissait, où personne ne serait mort de faim, où les difficultés et les joies se partageaient au quotidien. 
Mais il découvrit aussi assez vite que les limitations d'un village se vivaient aussi ici. Les jalousies, les hypocrisies, le coin de l'oeil qui surveille pour savoir si l'autre a plus de foi que soi, la mesquinerie et le mépris, il finit par les découvrir, mieux cachés sans doute qu'ailleurs, et souvent source de culpabilité ou d'auto-aveuglement, mais cette idée d'être la petite communauté des "vrais" croyants devenus parfaits ne tint, finalement, pas la route très longtemps à ses yeux. Lui qui aimait tant les sorties sac au dos en forêt à chanter des cantiques y surprit une conversation sur l'église d'en face qui perdait des disciples parce qu'on y lisait mal la Bible en jouant la mauvaise musique. Lui qui aimait partager ses questions sur la vraie vie du disciple se trouva sommé de condamner son plus proche ami qui allait droit en enfer. Il se retira en lui-même, tarda à répondre aux invitations, trouva plus difficile d'être spontané dans les prières à haute voix à force de se surveiller pour ne pas faire de faux pas. Son enthousiasme initial s'érodait et il en était fort triste ; il eut un long entretien avec le pasteur qui pria pour lui et l'encouragea à se joindre à un petit groupe qui lisait Marc tous les jeudis. 
Il n'arrivait plus à être joyeux à l'idée d'être sauvé et se sentait coupable d'avoir trahi la confiance de Dieu. Il vint plus rarement ; les premières fois on le saluait chaleureusement, puis les questions se firent plus précises sur les raisons de ses absences. Ne sachant plus quoi répondre, il finit par ne plus y retourner. 
Seul à nouveau, triste à nouveau, en quête à nouveau de réponses et de contact humain, il traîna sa culpabilité au quotidien jusqu'à la prochaine rencontre... 


1 commentaire:

  1. Et les autres ne s'en rendent pas compte, que tout cela est coterie, jalousies, etc. ? Ou bien sont-ils sages et en ont-ils pris leur parti ?

    Sigilbert

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