mercredi 19 juillet 2017

Jésus-Christ crucifié ?

Quand je reçois des gens pour un mariage, le plus souvent, l'un des deux n'est pas protestant, et bien souvent n'a qu'une idée très vague de ce que signifie la religion en général, y compris le christianisme. Et je dois avouer que dans mon ministère, ce sont souvent les rencontres que je préfère. Parce qu'on parle en vérité, sans vernis religieux, pour poser des vraies questions. Est-ce que Dieu existe ? Si oui, pourquoi laisse-t-il faire le mal ? et c'est quoi, cette croix ?
On pourrait, dans ces cas-là, faire un cours de catéchisme accéléré, mais ça n'aurait pas tellement d'intérêt, ni pour eux ni pour moi. S'ils viennent me voir, c'est pour que Dieu soit présent à leur mariage.
D'accord, mais quel Dieu ? et là, ça devient tout de suite plus intéressant. Parce que nous autres les humains, nous avons tous des tas d'images de tas de dieux, on est un peu construits comme ça… mais s'il y a l'Eglise, c'est parce que le Dieu que nous prêchons n'est pas n'importe lequel. Et même, et là ça devient encore plus intéressant, le Dieu que nous prêchons n'est jamais celui que nous imaginons. 
Or, dans un mariage, au moment de la bénédiction, le célébrant (souvent un pasteur) dit ceci : "votre couple est béni au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit". Petite formule convenue par laquelle il faut passer pour que le mariage soit "vrai" ? Que nenni. Alors souvent je raconte que pour les humains, qui ne peuvent, par définition, pas imaginer Dieu (des palanquées de philosophes de tout poil s'y sont pourtant frottés, ce qui est passionnant d'ailleurs), il y a ces trois façons-là de se le figurer : comme un père, comme un fils et comme un esprit. 
Le Père, facile : celui qui crée, celui qui construit une relation de confiance pour qu'on puisse apprendre à marcher en lui tenant la main, celui qui pousse à vivre pour de vrai, pour aller vers l'avenir en marchant en confiance même quand on s'est cassé la figure… 
L'Esprit, encore plus facile : c'est ce souffle qui vient animer nos vies, insuffler du désir d'avancer, de se tourner vers Dieu, de découvrir le monde et les autres êtres humains… 
Mais le Fils, là… pas facile du tout. Pourquoi faut-il qu'il y ait un fils ? ça ne ressemble pas du tout à l'idée qu'on se fait d'un dieu, ça. Un môme dans une mangeoire, ça sert à quoi ? Et de l'autre côté de l'histoire, encore pire, cloué sur une croix, pourquoi faudrait-il croire une chose pareille ? Et il ne faut pas chercher à atténuer ce choc-là, ce scandale-là : il est réel. Que Dieu se présente sous ces traits-là, ça doit garder tout son caractère de scandale. 
C'est l'apôtre Paul qui parle le mieux de cela. Ici, par exemple :

"Pour ma part, mes frères, lorsque je suis venu chez vous, ce n'est pas avec une supériorité de langage ou de sagesse que je suis venu vous annoncer le mystère de Dieu. Car j'ai jugé bon, parmi vous, de ne rien savoir d'autre que Jésus-Christ - Jésus-Christ crucifié. Moi-même, j'étais chez vous dans un état de faiblesse, de crainte et de grand tremblement ; ma parole et ma proclamation n'avaient rien des discours persuasifs de la sagesse ; c'était une démonstration d'Esprit, de puissance, pour que votre foi ne soit pas en la sagesse des humains, mais en la puissance de Dieu." (première lettre de Paul aux chrétiens de Corinthe, chapitre 2, versets 1-5)

Dieu se montre puissant précisément dans la faiblesse ultime d'un homme crucifié pour un crime qu'il n'a pas commis, incompris de tous et rejeté des bons citoyens. C'est une folie et un scandale. Dieu, semble-t-il, ne veut pas être le Dieu de notre imagination. Il est allé se fourrer dans le pétrin pour nous en persuader, et le monde n'a pas fini d'en prendre la mesure.

Martin Luther prêchant JC crucifié (retable de l'église de Wittenberg)

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