Lorsque je reçois des gens qui n'ont qu'un rapport lointain avec l'Eglise, ou pas de rapport du tout (et c'est fréquent), une des questions principales qui se posent, c'est la question du mal : comment l'Eglise peut-elle dire que Dieu existe, alors qu'il existe tant de malheurs dans le monde ? Il ne fait rien, Dieu, ou il n'existe pas ?
Ce n'est pas une question posée à la légère. Ce n'est pas une question à laquelle répondre à la légère. Et à vrai dire, je n'ai pas de réponse… Mais le fait de se poser cette question ensemble ouvre au moins un chemin de réflexion, de parole, pour peut-être entrevoir autre chose.
Dans la Bible, les Psaumes par exemple posent longuement la question du mal, et le livre de Job plus encore. Les amis de Job sont à leur façon des théologiens qui affirment tranquillement que si Job connaît le malheur, c'est parce que Dieu le punit. Il y en a même un qui affirme que c'est un outil éducatif, le malheur, et que Dieu a bien raison de l'utiliser… Une lecture attentive du texte montre que ces débats sont traités sur le mode de la distance et de l'ironie, mais il est facile de se laisser avoir par une lecture simpliste.
Jésus a connu le problème lui aussi (comme tous les humains). Un jour, des gens sont venus lui poser cette question de l'existence du mal. C'est dans l'évangile selon Luc, au début du chapitre 13 :
L'inquiétude des interlocuteurs de Jésus est palpable : elle est la même qui taraude les gens d'aujourd'hui. Comment échapper au mal ? Que faut-il faire ? Et Jésus questionne la question. "Pensez-vous que…" : c'est obliger ceux qui l'interrogent à se demander pourquoi et comment ils l'interrogent, à partir de quels présupposés. Et Jésus leur répond sans ambage : votre parti-pris théologique n'est pas le bon. Quand vous laissez entendre que Dieu a puni tous ces gens, c'est simplement faux. Mais au lieu d'ajouter une consolation facile, du genre "Dieu il est gentil pour tout le monde, faut pas vous en faire", il ajoute quelque chose qui non seulement recentre la question, mais ouvre de nouvelles perspectives. Il leur dit que ce qui les fait mourir, c'est leur propre point de vue, précisément sur cette question.
Et c'est vrai : vivre sa vie en cherchant en permanence à échapper à une punition imaginaire qui pourrait toujours arriver, ce n'est pas vivre. C'est être mort. Il y a tout un tas de raisons pour lesquelles les humains se résignent à cette non-vie, soit que leurs expériences avec d'autres humains leur aient fait craindre le pire, soit qu'il n'aient jamais pu imaginer Dieu autrement que comme un Dieu vengeur, mesquin et mauvais pédagogue.
C'est un autre mot de Jésus tel que Luc nous le rapporte qui éclaire un peu la situation, lorsqu'il pose la question : "pensez-vous qu'ils soient plus en dette que vous ?", c'est-à-dire, pensez-vous que ceux qui ont été frappés par le malheur traînaient une dette plus grande que la vôtre envers Dieu et que c'est pour régler cette dette qu'ils ont été tués ?
Je n'ai pas de réponse à la question du malheur. Mais une seule question : vivez-vous votre relation avec Dieu sur le mode de la dette ?
Jésus, lui, répondait : si oui, alors vous n'êtes pas vraiment en vie. Et le choix pour en sortir vous appartient : celui du changement de regard. Un autre regard est possible !
© Asteggiano |
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