D'où je tire la conclusion que, totalement indifférente au sport sous quelque forme que ce soit, je vais sans doute être obligée, en conscience, de démissionner…
"Il est, bien sûr, souhaitable qu'un pasteur (mieux, en termes plus réalistes : un ministre de la Parole de Dieu) soit un caractère moral et une personnalité religieuse, un homme de goût, cultivé, un penseur audacieux et en même temps plein de respect envers les exigences du bon sens, solidement établi en lui-même, mais aussi ouvert aux joies et aux peines de son entourage immédiat ou lointain, un homme de prière sincère et un travailleur discipliné, un homme très naturel mais aussi très spirituel, un bon père de famille, mais avec de larges horizons, un homme qui vit de tout son coeur dans et avec son temps, c'est-à-dire qui en ressent les détresses et les espérances comme les siennes propres, et qui, quelle que soit la position qu'il adopte sur ces chapitres, puisse ainsi penser et parler à ses contemporains comme l'un des leurs. Il doit être capable d'aimer chaque homme et y être prêt et par conséquent capable de ne craindre aucun homme et résolu à ce courage. Il doit être libre et rester libre, mais libre aussi de choisir et donc de se lier, de s'engager sans réserve pour la bonne cause et de s'y dévouer. Il doit avoir tout autant le courage d'être seul, que l'humilité du simple soldat, qui se range dans le rang et partage avec beaucoup d'autres les responsabilités du travail et du combat. Il doit être prêt à l'attente silencieuse comme à la plus grande activité, être un homme de paix tout autant que, s'il le faut, un lutteur. C'est la même nécessité intérieure qui doit chaque jour lui inspirer, tantôt le sérieux le plus acharné, tantôt l'onction la plus profonde, tantôt l'humour le plus franc. Il lui faut être parfaitement à l'aise dans la Bible et dans la dogmatique ; mais il lui faut aussi avoir un jugement politique et éprouver pour le cinéma et le sport tout au moins une compréhension sympathique. Il doit être un homme bien élevé et cependant nullement bourgeois ; son coeur doit le porter vers le prolétariat ; mais, justement à cause de cela, il ne doit avoir ni les sentiments, ni les ressentiments prolétariens. Il faut qu'il comprenne les athées, il faut qu'il comprenne les piétistes, et mieux que les uns et les autres ne se comprennent eux-mêmes. Par nature, ou grâce à ses études scientifiques, il doit être psychologue ; et cependant il doit, sans aucune psychologie, directement et pasionnément, savoir consoler et aussi réprimander. Quand il fait de la cure d'âmes, quand il enseigne, ou quand il prêche, il faut qu'il ait présent à l'esprit son voisin malade et ses humbles problèmes domestiques, aussi bien que le cours majestueux des événements du monde et de l'Eglise, qui servent de cadre au destin de sa paroisse. Il doit s'adresser toujours à une situation réelle, mais toujours d'en-haut ; toujours à des hommes, mais toujours de façon à leur dire davantage que ce qu'ils pourraient se dire tout aussi bien eux-mêmes. Il doit savoir penser, parler et agir comme un prêtre, comme un prophète et comme un pasteur."*
* Ce texte est l'introduction au petit livre de Karl Barth, Le ministère du pasteur, traduit par Pierre Maury, Genève, Labor et Fides, 1961 (date de première publication en français 1935). Barth s'appuie sur cette liste ironique pour montrer que, si on limitait la fonction de pasteur à ce cahier des charges humain et moral, on passerait totalement à côté du véritable être du pasteur, non pas liste d'obligations à remplir (qui de toute façon s'applique à tous les chrétiens et pas juste au pasteur), mais vecteur d'une Parole venue d'ailleurs et qui nous engage totalement.
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