dimanche 1 avril 2018

Le dernier tableau du dernier acte (épilogue et ouverture)

Pâques, c'est la fête de la vie, ou plutôt, la fête d'être vivant.
Être vivant, dans le Royaume de Dieu, c’est laisser se creuser en soi un espace pour qu’advienne autre chose. Ce creux, cette béance, ne relève pas de notre contrôle ni même de notre volonté. "Vivant" signifie ouvert, disponible. "Vivant" désigne cette part de nous où niche ce qui n’est pas là, et qui pourtant nous fait vivre… C’est ça, la résurrection. Ce n’est rien d’autre qu’une vie nouvelle qui vient se nicher en nous. Ça ne relève pas de la volonté. Ça relève d’un cadeau.
Et c’est ainsi que nous pouvons entendre les béatitudes en ce matin de Pâques, comme un récit extraordinaire de cette vie que nous sommes appelés à vivre, ressuscités comme le Christ. Vivants d’une véritable vie… Il est passé pour nous à travers la mort, et il nous attend de l’autre côté, et voilà comment on vit de l’autre côté, et voilà comment nous pouvons nous aussi vivre, dès maintenant, déjà citoyens de cet autre monde où il nous attend…
Vivants ! Heureux, bienheureux, car vivants !
Vivant, le pauvre en esprit, qui sait que se creuse en lui le creux du désir d’autre chose, celui qui n’est pas plein de lui-même, celui qui n’est pas gavé de tout… Vivant : le Royaume des cieux est à lui, celui qui ne triche pas sur son identité, qui ne cherche pas à paraître meilleur que le voisin, celui qui ne reste pas figé sur l’image qu’il offre au monde, mais qui a au cœur de sa vie un espace où quelqu’un vient le rejoindre dans ce qu’il a de plus déglingué, de plus sombre, de plus cassé. Celui qui se laisse rejoindre et relever, comme les péagers, les prostitués et les déglingués de la vie ont été relevés par Jésus. Heureux celui-là…
Vivant, l’affligé, celui qui attend d’un autre une consolation, une espérance.
Vivant, le doux, celui qui ne souhaite pas la toute-puissance et ne fait pas semblant. Celui-là aura la terre en partage, celui-là est le citoyen d’un Royaume où il n’est pas besoin de prendre de force pour être quelqu’un, pour exister.
Vivants, ceux qui ont faim et soif de justice, car tant qu’ils auront faim et soif, ils seront attentifs à la faim et à la soif des autres, et ils chercheront ensemble, ils travailleront ensemble, toujours en recherche, toujours en désir de justice, toujours en marche.
Vivants, ceux qui ne mettent leur véritable confiance, leur véritable vie, qu’en Dieu, car ils le verront.
Vivants, ceux qui vivront véritablement de cette vie. Chemin exigeant, difficile. Car il exige de ne pas mettre notre fierté dans nos identités de surface, mais en Dieu seul, dans ce qu’il a fait pour nous, dans la vie véritable qu’il nous offre. Ce lien entre Dieu et moi est la vérité de ma vie. Il est plus solide, plus digne de confiance que tous les uniformes qui encombrent ma vie. Pour nos frères et sœurs chrétiens persécutés pour leur foi, et qui au cours des âges ont pu résister, jusqu’à aujourd’hui, c’est ce lien-là qui importe plus que tout, la confiance toujours réaffirmée, toujours vécue à nouveau, jusqu’au plus noir de la guerre et de la mort. Malgré tout. C’est cette foi-là qui nous est offerte à Pâques. Cette foi qui démasque tous les « à quoi bon ». Malgré tout. C’est cette vie-là qui nous est donnée, citoyens d’un autre monde.
Pâques, c’est un faire-part de naissance pour tous les chrétiens. Aujourd’hui, c’est nous qui naissons ! Et plus personne n’a le pouvoir de nous condamner à mort. Parole de vie dans un monde qui ne peut pas l’éteindre, qui ne peut pas la mettre à mort.
Il n’est pas là, il vous attend : allez... allez planter un pommier...

Camille Pissaro

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