Se laisser faire par l'espérance, quel beau projet !
Mais ça a l’air encore trop gentillet, trop mignon, trop sympa, trop facile… alors que c’est une extrême exigence et que, peut-être, bien peu iront jusqu’au bout de ce chemin…
C’est qu’il s’agit de consentir à laisser mourir quelque chose. Il s’agit de consentir à la mort de quelque chose.
On m’a raconté que dans le Poitou, il y a trois identités possibles : on peut être catholique, ou protestant, ou… « rien ». Quand on dit de quelqu’un, « lui, il est rien », ce n’est pas nier son existence, mais simplement dire qu’il ne se reconnaît ni catholique, ni protestant, et on entend bien tout le poids de l’histoire qui se joue là, histoire souvent tragique et dont les traces n’ont pas disparu.
Or c'est bien de cela qu’il s’agit quand on parle de Pâques. Consentir à devenir « rien ». A ne plus mettre son identité dans une culture, fut-elle religieuse, dans un vêtement, fut-il convenable, dans un rôle à jouer, fut-il respectable. Toutes ces choses ne sont, au regard de Pâques, qu’identités de surface, identités mortifères, car elles nous enferment dans des choses, des croyances, des certitudes. Et ces choses nous éloignent de la véritable signification du tombeau vide. Devant le tombeau vide, nous sommes appelés à nous dépouiller, nous aussi, de toutes nos identités de surface. Toutes. Jusqu’au plus respectables. Surtout les plus respectables. Ce que vous êtes aux yeux du monde, ce que vous êtes à vos propres yeux, là n’est pas ce qui est véritablement vivant devant Dieu. Pour partir sur les routes de Galilée comme le Christ nous y invite, il faut consentir à mourir à tous nos oripeaux, tous nos uniformes, pour partir, dépouillés de tout. Ne plus pouvoir compter sur toutes ces choses, ne plus pouvoir croire qu’on peut se sauver soi-même, voilà le passage, effrayant, qui se joue à Pâques. Que quelque chose meure… Et il est légitime d’avoir peur, lorsque nous sommes dépouillés de tout ce qui faisait notre vie ordinaire, il est légitime de se demander, et de demander à Dieu : est-ce qu’il restera quelque chose ?
Non. Il ne restera pas quelque chose. Il reste… la vie. La véritable vie.
Il s’agit d’être vivants, vivants d’une autre vie. Une autre vie que celle proposée par la logique du monde. Dans la logique du monde, pour se sentir vivant, il faut consommer, il faut profiter, il faut avoir, voire se gaver, de tout, de nourriture, de possessions, de connaissances, et surtout d’expériences, et d’oripeaux multiples qui font que nous nous sentons être quelque chose. Le mot d’ordre c’est « profiter ». Profiter de la vie tant qu’elle dure, pour oublier peut-être qu’elle ne durera pas. La logique du Royaume de Dieu est tout autre...
Rogier van der Weyden |
... La femme que j'aime essaie de m’expliquer cela... et je ne le comprends pas.
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