jeudi 15 juin 2017

Les derniers seront premiers (Mt 19,30 et Mt 20,16)

Dire aux gens que Dieu les aime, c'est facile.
Montrer aux gens que vous les aimez, pour de vrai, c'est une autre paire de manches. 
Et quand Jésus insiste pour dire que moins vous les aimez, et plus il y a de chances qu'ils vous précèdent au Royaume des cieux, il y a de quoi se sentir très légèrement perturbés… Pas de panique. C'est normal.
Enfin quand je dis c'est normal… selon les critères du Royaume, c'est normal. Selon les nôtres, c'est fou. Parce que la langue du Royaume, c'est une langue étrange, étrangère… une langue à la grammaire paradoxale, surprenante, à contre-courant de notre instinct. Les derniers seront premiers et les premiers derniers… C'est une langue à la grammaire saisissante, ou trois égale un, où aimer se conjugue comme "se sacrifier", où être attaqué se traduit "pardonner", où avoir reçu se dit "donner". Etrange grammaire, étrange langue... nous lui resterons étrangers, et pourtant Jésus, qui, lui, l’a apprise bien mieux qu’aucun d’entre nous ne le pourra jamais, nous en fait les interprètes. 
Alors on se trompe, de vocabulaire, de grammaire, mais on la balbutie quand même, parce que Dieu nous le propose, et même nous le demande. Il nous est demandé, dans ce monde de fous, que Dieu a tant aimé pourtant, de porter une langue autre, une langue sage, mais qui a l’air d’une langue de fous…
Aimez vos ennemis... tendez l’autre joue... pardonnez... aimez ceux qui vous font du mal... rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu... Heureux ceux qui quémandent le souffle de la vie... Alors que dans notre monde, ne semblent pouvoir survivre que ceux qui font passer leurs propres intérêts avant ceux des autres, ne semblent mériter la gloire que ceux qui rayent, d’un trait de plume, le travail des autres et piétinent les plus faibles juste parce qu’ils le peuvent…
Pour le dire avec Dietrich Bonhoeffer, la foi affirme que « les grandes choses sont petites, et que les petites sont grandes, que ce qui est exact est faux, et ce qui est faux exact, que ce qui est désespéré est plein de promesses, et que ce qui est plein d’espoir est contesté. Elle affirme que la croix signifie victoire, et la mort vie. [1]  » Affirmer de telles choses nous fait passer pour des fous. Tant pis ! tant mieux ! Car nous parlons d’un Dieu hors du commun.
Dans le monde, Dieu était homme ; et pourtant il est Dieu. Dans le monde, Dieu est absent, et pourtant il est présent à notre foi. Dans le monde, Dieu est mort ; pour le Royaume, Christ est vivant. Et nous, nous vivons ces deux choses, dans ces deux mondes à la fois, dans ces deux langues à la fois…


[1] Dietrich Bonhoeffer, Si je n’ai pas l’amour…, Genève, Labor et Fides, 1989, p. 262.



(BD Edmond Prochain, ici : clic)



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