Dire aux gens que Dieu les
aime, c'est facile.
Montrer aux gens que vous
les aimez, pour de vrai, c'est une autre paire de manches.
Et quand Jésus insiste pour
dire que moins vous les aimez, et plus il y a de chances qu'ils vous précèdent
au Royaume des cieux, il y a de quoi se sentir très légèrement perturbés… Pas
de panique. C'est normal.
Enfin quand je dis c'est
normal… selon les critères du Royaume, c'est normal. Selon les nôtres, c'est
fou. Parce que la langue du Royaume, c'est une langue étrange, étrangère… une
langue à la grammaire paradoxale, surprenante, à contre-courant de notre
instinct. Les derniers seront premiers et les premiers derniers… C'est une
langue à la grammaire saisissante, ou trois égale un, où aimer se conjugue
comme "se sacrifier", où être attaqué se traduit "pardonner",
où avoir reçu se dit "donner". Etrange grammaire, étrange
langue... nous lui resterons étrangers, et pourtant Jésus, qui, lui, l’a
apprise bien mieux qu’aucun d’entre nous ne le pourra jamais, nous en fait les
interprètes.
Alors on se trompe, de
vocabulaire, de grammaire, mais on la balbutie quand même, parce que Dieu nous
le propose, et même nous le demande. Il nous est demandé, dans ce monde de
fous, que Dieu a tant aimé pourtant, de porter une langue autre, une langue
sage, mais qui a l’air d’une langue de fous…
Aimez vos ennemis... tendez
l’autre joue... pardonnez... aimez ceux qui vous font du mal... rendez à César
ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu... Heureux ceux qui quémandent
le souffle de la vie... Alors que dans notre monde, ne semblent pouvoir
survivre que ceux qui font passer leurs propres intérêts avant ceux des autres,
ne semblent mériter la gloire que ceux qui rayent, d’un trait de plume, le
travail des autres et piétinent les plus faibles juste parce qu’ils le peuvent…
Pour le dire avec Dietrich
Bonhoeffer, la foi affirme que « les grandes choses sont petites, et que les
petites sont grandes, que ce qui est exact est faux, et ce qui est faux exact,
que ce qui est désespéré est plein de promesses, et que ce qui est plein
d’espoir est contesté. Elle affirme que la croix signifie victoire, et la mort
vie. [1] »
Affirmer de telles choses nous fait passer pour des fous. Tant pis ! tant
mieux ! Car nous parlons d’un Dieu hors du commun.
Dans le monde, Dieu était
homme ; et pourtant il est Dieu. Dans le monde, Dieu est absent, et
pourtant il est présent à notre foi. Dans le monde, Dieu est mort ; pour le
Royaume, Christ est vivant. Et nous, nous vivons ces deux choses, dans ces deux
mondes à la fois, dans ces deux langues à la fois…
[1] Dietrich
Bonhoeffer, Si je n’ai pas l’amour…, Genève, Labor et Fides, 1989,
p. 262.
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