De quoi peut-on être certain ? Si vous êtes pasteur, il y a de fortes chances pour que vous ayez à prêcher assez régulièrement sur la question. Et selon votre bord théologique et celui de vos interlocuteurs, selon votre vécu de la foi et celui de vos interlocuteurs, vous serez plus ou moins à l'aise avec le sujet. Dans la foi, de quoi peut-on être sûr ? Une réponse possible, c'est "du Christ" ou "de l'amour de Dieu", ce qui revient, au fond, à la même chose. Mais c'est une réponse qui ne résoud rien, puisqu'elle ouvre à beaucoup d'incertitudes : OK, mais le Christ, c'est qui ? c'est qui pour le monde, c'est qui pour l'Église, c'est qui pour moi ? et l'amour de Dieu, ça signifie quoi au juste ? ça a quelles implications pour le monde, pour l'Église, et pour moi ? etc.
Rien n'est tranché. Enfin vous pouvez dire que si, et vous attacher à poser des fondations solides (et c'est très utile et beau de le faire, c'est d'ailleurs une bonne part de mon métier et de ma fonction), mais au bout du bout, la foi ce n'est pas de croire à quelque chose, c'est de faire confiance à quelqu'un, et quelqu'un, ça ne s'enferme pas dans des phrases. Demandez aux premiers disciples de Jésus si ça les amusait de devoir essayer de comprendre les paraboles, tiens...
Et notre expérience de la vie humaine, c'est que ça ne marche pas, que c'est tout cassé, tout bancal. L'apôtre Paul disait qu'il faisait le mal qu'il ne voulait pas faire, et qu'il n'arrivait pas à faire le bien qu'il voulait faire. C'est la part de tout être humain, et c'est particulièrement douloureux si on croit avoir toutes les réponses : quand il dit ça, c'est pour admettre que non, il ne sait pas, mais qu'au milieu de tout ça, Dieu se manifeste. Avec et grâce à tout ça, même. Étrangement.
Et notre expérience de la vie humaine, c'est que ça ne marche pas, que c'est tout cassé, tout bancal. L'apôtre Paul disait qu'il faisait le mal qu'il ne voulait pas faire, et qu'il n'arrivait pas à faire le bien qu'il voulait faire. C'est la part de tout être humain, et c'est particulièrement douloureux si on croit avoir toutes les réponses : quand il dit ça, c'est pour admettre que non, il ne sait pas, mais qu'au milieu de tout ça, Dieu se manifeste. Avec et grâce à tout ça, même. Étrangement.
Ceci pour dire que l'incertitude, quand on parle de la foi, c'est paradoxalement assez central. Or traditionnellement, le rôle d'un chef, c'est de trancher nettement entre certitude et incertitude. C'est de prendre le risque de dire "ceci est sûr" et "là on ne sait pas", pour permettre aux autres d'avancer avec un minimum de terre ferme sous les pieds. C'est aussi, dans le monde moderne, mettre son nom sur les décisions prises pour assumer la responsabilité qui en découle.
D'où mon interrogation : un pasteur peut-il, devrait-il, assumer le rôle d'un chef ?
Ah.
Ben je sais pas.
Il (ou elle, évidemment, hein) a pour rôle d'annoncer une Parole qui ne se laisse enfermer par rien ni personne et qui vient bouleverser les ordres les plus établis ; mais d'un autre côté, il/elle est chargé de ce que l'on appelle le "ministère de l'unité", qui consiste à mener une communauté dans l'amour fraternel et la communion là où il exerce son ministère, et à faire le lien avec l'Église-institution et avec l'Église universelle. Et ça, ça demande d'assumer, d'une façon ou d'une autre, un rôle de meneur d'humains. De faire preuve d'une certaine autorité. De dire clairement les choses, de cerner ce qui est certain et incertain, et d'endosser les responsabilités. Dans l'Église à laquelle j'appartiens, le pasteur n'est pas le seul à tenir ce rôle : il le partage avec le conseil presbytéral, élu par la communauté, et cette structure se retrouve à tous les niveaux de l'Église. Mais le rôle du pasteur reste très exposé et souvent, dans les communautés, il est de facto le représentant d'une autorité nécessaire.
Je dois avouer que j'ai trouvé ça difficile à vivre au tout début de mon ministère. Être efficace, endosser les responsabilités, prendre des risques en décidant d'un chemin plutôt que d'un autre - tout en rappelant très fermement que ce n'est pas une fin en soi. Que la fin de cette recherche sérieuse d'utilité et de rigueur, c'est d'annoncer que nous vivons déjà pour une part dans un monde où ni autorité, ni utilité ni rigueur ne sont des critères pertinents, mais où la pure gratuité est ce qui fait vivre.
C'est une corde raide. Et il est facile de tomber, soit dans l'autoritarisme, soit dans le fatalisme, renforcés par les attentes des uns et des autres, qui ne sont pas les mêmes et sont parfois en conflit.
Mais au fond... au fond, la seule chose possible, la seule chose à laquelle s'accrocher, c'est la certitude qu'au milieu de tout ça, avec et malgré tout ça, l'important, l'incontournable, le certain qui nous échappera toujours mais qui est bien là, c'est la grâce de Dieu. Elle se manifeste dans le fait qu'il n'a pas choisi une Église parfaite, mais une Église de bras cassés, de disciples qui ne se savaient pas disciples, qui trahissaient, qui interprétaient à l'envers, de pécheurs qui se savaient pécheurs et de pécheurs qui ne se savaient pas pécheurs, de gens qui passaient leur temps à essayer d'arracher des pailles dans les yeux des autres, et tant d'autres encore. Et qu'à cette Église-là, il est donné en cadeau des pasteurs imparfaits, qui bataillent pour trouver des solutions, pour imaginer les meilleures choses à faire, qui y laissent des plumes parfois, qui baissent les bras, qui sont portés par la foi des autres, qui partagent avec passion le miracle de la grâce toujours renouvelée.
Être ce pasteur-là, c'est assez fabuleux.
C'est une corde raide. Et il est facile de tomber, soit dans l'autoritarisme, soit dans le fatalisme, renforcés par les attentes des uns et des autres, qui ne sont pas les mêmes et sont parfois en conflit.
Mais au fond... au fond, la seule chose possible, la seule chose à laquelle s'accrocher, c'est la certitude qu'au milieu de tout ça, avec et malgré tout ça, l'important, l'incontournable, le certain qui nous échappera toujours mais qui est bien là, c'est la grâce de Dieu. Elle se manifeste dans le fait qu'il n'a pas choisi une Église parfaite, mais une Église de bras cassés, de disciples qui ne se savaient pas disciples, qui trahissaient, qui interprétaient à l'envers, de pécheurs qui se savaient pécheurs et de pécheurs qui ne se savaient pas pécheurs, de gens qui passaient leur temps à essayer d'arracher des pailles dans les yeux des autres, et tant d'autres encore. Et qu'à cette Église-là, il est donné en cadeau des pasteurs imparfaits, qui bataillent pour trouver des solutions, pour imaginer les meilleures choses à faire, qui y laissent des plumes parfois, qui baissent les bras, qui sont portés par la foi des autres, qui partagent avec passion le miracle de la grâce toujours renouvelée.
Être ce pasteur-là, c'est assez fabuleux.
Quelle belle profession de foi !
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