lundi 5 mars 2018

Les pharisiens sont des gens bien

Les pharisiens sont des gens très bien. Ils aiment les Écritures et les connaissent très bien. Ils ne sont pas littéralistes, ils prennent soin de l'interprétation qu'ils font des textes. Ils témoignent de leur foi et font des convertis. Ils sont généreux pour les pauvres, les veuves et les orphelins. Ils respectent leurs anciens et la tradition dont ils ont hérité. Ils détestent le désordre moral. Ils croient à la résurrection. 
Des gens bien, vraiment. Pourquoi, alors, Jésus passe-t-il son temps à dire d'eux qu'ils sont hypocrites ? 
Bon, déjà, hypocrite, c'est un mot grec, alors ça vaut peut-être la peine d'aller voir ce que ça signifie au départ. Ça désigne le masque de l'acteur, c'est-à-dire le rôle qu'il est supposé jouer pour représenter un personnage dans le texte qu'il a appris : c'est un visage artificiel, qui raconte une histoire importante dans laquelle il est obligé de s'investir, mais qui n'est pas la sienne. Et puis, hupo-critès, c'est un mot composé : hupo = dessous et critès = le critère, le jugement. Donc hupo-critès = sous le jugement. Évidemment, l'acteur de théâtre est sous le jugement du spectateur (et de l'auteur, s'il est toujours là, et même surtout s'il n'est plus là).
Alors voilà : être hypocrite, c'est se soumettre au jugement, au critère. Au devoir. À ce qui est imposé, à ce qui va de soi, à ce qui ne se discute pas. À l'histoire qui se déroule comme on attend qu'elle se déroule. Être hypocrite, c'est vivre selon le sens de l'histoire, le sens du devoir. 
Alors, hypocrite en matière de religion, ça signifie vivre selon le devoir qu'on imagine avoir envers Dieu, envers la pièce de théâtre qu'il semble nous avoir léguée. Ça signifie identifier Dieu à quelqu'un qui a un pouvoir sur nous et qui a des exigences envers nous. Pourquoi pas. Mais est-ce bien le bon Dieu ?
Je veux dire, c'est important de le savoir. C'est ce qui fait toute la différence entre se résoudre à accepter un tyran, ou vivre libre dans la bienveillance et le désir. C'est la différence entre le Dieu de notre imagination et le Dieu d'une autre réalité que la nôtre. C'est la différence entre se coller le masque à la super-glue et oser l'enlever, même si c'est dangereux, même si c'est toujours prendre un risque. Même si ça bouleverse les vies et les institutions. 
Alors oui, les pharisiens sont des gens bien. Et nous aussi, sans doute. Mais à quel Dieu sommes-nous fidèles ?


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