lundi 26 mars 2018

Le meilleur pour la fin

Au tout début de l'évangile selon Jean, Jésus transforme de l'eau en vin au cours d'un banquet de mariage, à Cana. L'organisateur du mariage, épaté, fait remarquer qu'il n'est pas habituel de faire servir le bon vin à la fin : en général, on peut profiter de ce que tout le monde a trop bu pour servir de la bibine à la fin de la fête, personne ne s'en souviendra. 
Dans un raccourci saisissant, l'auteur de cet évangile laisse donc entendre : Jésus, c'est pas de la bibine !
Il arrive à ce moment ultime de l'histoire, non pas comme un ajout un peu amer, un peu acide, mais comme le meilleur vin qu'on ait connu. Il est issu de la vigne d'Israël mais il est bien autre chose en plus. Dans le monde romain, comme dans le rituel juif, on a l'habitude de faire des libations sur les autels, aussi tout le monde peut comprendre l'allusion : ce vin-là qu'est Jésus va aussi être versé, à l'autre bout de l'évangile. 
Au moment de Pâques, c'est l'ensemble de l'histoire de Jésus sur terre qui prend son sens, mais aussi l'histoire de tous ceux qui l'ont précédé. C'est la fin du banquet. Il est possible que tout le monde soit trop pompette pour s'en apercevoir, et c'est pourtant le moment le plus important de l'histoire. Il se passe quelque chose qui vient bousculer nos catégories.
Le meilleur vin sera versé en libation, le meilleur vin se perdra... quel gâchis, n'est-ce pas ? Pourtant, ce que disent les chrétiens à Pâques, c'est que ce sacrifice est l'inverse d'un gâchis, pour peu qu'on prenne la peine de l'accueillir autrement. 
Cette semaine, semaine sainte qui précède Pâques, nous sommes invités tout particulièrement à accueillir la mort du Christ comme "le meilleur pour la fin"... qui remet la fin, toute fin, en question. 

Véronèse, Les noces de Cana (1563)

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