mercredi 28 février 2018

Chemin, vérité, vie

En chemin, en vérité, en vie.
Être "en Christ", c'est être en chemin. C'est être en vérité. Et c'est être en vie.
Soit.
Mais encore ?
Déjà, "être en Christ", ça veut dire quoi ? ça ressemble trop à une petite formule toute faite pour qu'on accepte facilement de l'adopter sans y réfléchir. J'aime assez, je dois dire, la façon dont Paul en parle, dans la lettre aux chrétiens de Galatie, au chapitre 3 (verset 28) : "Il n'y a plus ni Juif ni Grec, il n'y a plus ni esclave ni homme libre, il n'y a plus ni homme ni femme, car vous tous, vous êtes un en Jésus-Christ."
Allons bon.
On sait bien que ça n'est pas "vrai", qu'il n'y a plus ni homme ni femme : la différence entre les sexes, elle se vit dans notre chair, au quotidien. Je ne veux surtout pas dire par là que c'est binaire, mais simplement que c'est un paramètre inconscient de notre rapport au monde, quelque chose qui est inscrit profondément dans notre façon d'être au monde, quelle que soit la façon dont ça s'incarne pour nous. Ça n'a rien de simple, le rapport à la féminité ou à la masculinité, mais ça fait partie de nous, qu'on le veuille ou non. Alors, que veut dire Paul ? 
Et lorsqu'il dit qu'il n'y a plus ni esclave ni homme libre ? Encore aujourd'hui, il y a des esclaves. Et il n'y a pas besoin d'aller au bout du monde pour les trouver ou se rappeler qu'ils existent une fois de temps en temps. Il y a des gens dont le passeport a été confisqué par des employeurs qui se prennent pour les propriétaires du temps, de l'énergie et de la vie d'autres êtres humains sous nos latitudes. Et il y a, plus largement, des gens qui ne font que vivotter à l'ombre d'autres humains plus forts qu'eux et qui vivent comme des esclaves. Donc Paul, sur l'analyse sociologique, là, bof, hier comme aujourd'hui. 
Pour l'histoire des Juifs et des Grecs, il faut redonner le contexte : dans le monde de l'empire romain, un "vrai" citoyen est grec. Paul est d'ailleurs une exception : il est juif, et pourtant citoyen romain. Mais pour la plupart des autres, être juif signifie une position sociale subalterne. C'est une différence de culture, et une différence sociale. Là, inutile d'aller bien loin pour comprendre comment ça se vit de nos jours, cette histoire... 
Alors qu'est-ce que ça a de vrai, cette affirmation de Paul ? Ce qu'il y a de vrai, c'est qu'il existe, pour tous, Juifs, Grecs, esclaves, humains libres, hommes, femmes, un autre ancrage que leur existence dans la société. "En Christ", ce n'est même pas qu'ils sont tous égaux, c'est encore bien plus : c'est qu'ils sont UN. Et ce n'est pas rien, d'affirmer une telle chose : celui dont on dit qu'il est UN, c'est Dieu... "Écoute, Israël, l'Éternel est notre Dieu, l'Éternel est un". C'est le "chema Israël", le fondement de la foi au Dieu unique. 
C'est énorme, ce que dit Paul. Tous ensemble, là, vous tous qui vous réclamez de vos particularités sociales et humaines, que ce soit pour vous en plaindre ou en prendre gloire, à vous tous, tous ensemble, vous êtes UN. En Christ, vous êtes un. Pas un par un, de l'un à l'autre, avec ceux qui vous plaisent, avec vos voisins, vos parents proches. Non : avec tous ceux qui sont "en Christ". Et ça, ce n'est pas vous qui le déterminez. Ça ne dépend absolument pas de vous. 
Tous ensemble, vous êtes un, parce que vous êtes ailleurs qu'en vous-mêmes. 
Bon. Donc, être en Christ, c'est être un avec tous les autres. Évidemment, Paul s'adresse à des chrétiens, et on ne peut pas en faire l'impasse : ce n'est pas une leçon pour vivre correctement en société. Ça dit une vérité sur ce que signifie croire au Christ. 
Et pour comprendre un peu autrement ce que ça signifie, d'être en Christ, je vous propose de faire un petit saut léger pour aller dans l'évangile selon Jean. Avec un autre passage qui pourrait, lui aussi, se lire comme une jolie formule, lorsque Jésus dit "Je suis le chemin, la vérité et la vie" (Jn 14,6). Être en lui, alors, ce serait ça. D'une certaine manière, être en Christ, c'est être en chemin, en vérité et en vie.
Ne pas s'arrêter dans le confort de notre soi intime, mais se trouver lié à tous les autres parce que liés à lui, et en chemin avec les autres. 
Ne pas s'arrêter à notre vérité intime, mais se trouver bousculés par une vérité bien plus vaste qui nous entraîne à la recherche d'autre chose. 
Ne pas s'arrêter à notre vie, mais se trouver intégrés à une vie autre, qui surgit au milieu du monde, au milieu de notre vie, et se trouver ainsi véritablement vivants, d'une vie qui résiste à la mort.
Être en vérité, en chemin, en vie. 

(c) PRG

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