mardi 6 février 2018

Laisse-moi t'accueillir

Aujourd'hui, le chat et son pasteur accueillent un invité, le pasteur de l'EPUdF à Aubervilliers, Georges Letellier. Il y a pas longtemps, il est intervenu lors d'un rassemblement interreligieux, et il a dit ceci... 

Dans la Bible, il y a de nombreux récits d’accueil. Je pense particulièrement à Abraham qui s’est empressé d’accueillir 2 visiteurs, sans imaginer un instant que c’étaient des messagers de Dieu lui- même. J’aime bien aussi l’histoire de Zachée, le collecteur d’impôts, chez qui Jésus s’invite. Mais dans ce cas, la formule doit être inversée : ce n’est pas « laisse-moi t’accueillir ! » mais plutôt « accueille-moi ! ».
J’ai relu récemment une autre histoire, dans laquelle Jésus et ses disciples traversent un territoire étranger dont les habitants ne partagent pas leur foi juive. Oui, parce que Jésus et ses disciples étaient juifs et les habitants du village étaient des Samaritains (des habitants de Samarie). Or, à cette époque-là, les juifs et les Samaritains se détestaient, alors qu’ils habitaient la même terre d’Israël et avaient Jacob comme ancêtre commun. Toujours est-il que les habitants de ce village samaritain refusent d’accueillir Jésus et ses disciples parce qu’ils sont juifs. Les disciples, furieux, très sûrs d’eux dans leurs convictions religieuses, disent à Jésus : « Seigneur, veux-tu que nous disions que le feu du ciel leur tombe dessus et les consume ? » Jésus les réprimande et ils reprennent leur route vers un autre village. C’est l’histoire d’un accueil qui ne se fait pas.
Lorsqu’on est animé d’une conviction religieuse forte et que l’on n’est pas accueilli, que l’on rencontre de l’indifférence ou de l’hostilité, c’est tentant de dire à son dieu « détruis-les », c’est facile de souhaiter la réduction de l’autre, ou tout du moins de sa parole. Mais Jésus n’approuve pas le souhait de la destruction en réponse au refus d’hospitalité.
Alors, cette après-midi, avec vous, j’ai une question et une prière. Une prière que je peux encore exprimer comme un vœu pour 2018.
Est-ce que les habitants d’Aubervilliers sont comme ces villageois ? est-ce que nous pourrions rejeter telle ou telle personne en raison de ses convictions religieuses ? ou arreligieuses ?
Je reformule aussitôt la question autrement : est ce que nous, habitants d’Aubervilliers, pourrions souhaiter le feu du ciel contre ceux qui n’accueillent pas ? Je crois que ces deux questions sont équivalentes : le refus d’accueillir n’est pas pire que de souhaiter le feu du ciel sur ceux qui ne sont pas fraternels.
Parfois on peut se sentir non accueilli parce qu’on ne supporte pas que l’autre, le voisin, le collègue, le parent d’élève que l’on rencontre à l’école, l’enseignant, le fonctionnaire... manifestement n’aient pas les mêmes convictions que soi. Ça peut se déduire, à partir de questions alimentaires, vestimentaires ou autres. Et il arrive que l’on en conçoive de la dureté. On ne souhaite pas nécessairement la destruction de l’autre par le feu du ciel, mais vous savez, ne plus se sourire, ne plus se saluer, détourner son regard, juger avec méfiance et dureté, c’est dans la logique de la peur et de la réaction à la peur, qui peut tendre à la destruction.
On ne va quand même pas aller déménager dans une autre ville ! Je sais qu’il y a parmi nous des visiteurs qui viennent de villes voisines. Soyez les bienvenus à Aubervilliers, une ville avec une très grande diversité de convictions, religieuses ou non. Non, on ne va pas déménager, mais on va vivre ensemble, se regarder, se saluer, se respecter, s’accueillir, s’écouter et partager plus, du moins je l’espère, je le souhaite. Et nous le souhaitons tous au sein de l’Alliance Interreligieuse d’Aubervilliers.
S’accueillir, s’écouter, ça ne veut pas dire qu’on va se perdre dans les convictions de l’autre, qu’on va se faire récupérer, qu’on va être converti et risquer l’enfer ! je crois qu’il n’y a que Dieu qui parvienne à convertir. Quand les hommes prétendent le faire à sa place, c’est catastrophique et l’histoire le prouve trop souvent.
Nous avons la chance de vivre dans le cadre de la laïcité. Cette loi 1905 qui nous est si chère à nous les protestants, tant elle a été importante dans notre histoire en France. Cette loi est tellement importante que je ne résiste pas à vous en relire le début. Beaucoup en parlent sans l’avoir jamais lue.
« Article 1 : La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes
sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.
Article 2 : La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. »
La République ne soutient aucun culte, mais elle garantit à chacune, à chacun, la liberté de conscience et le libre exercice des cultes. Elle n’encourage pas, elle ne prend pas partie, mais elle garantit, elle protège.
On peut lire cette loi sous l’angle de la restriction, mais moi je préfère y voir une forme d’accueil, symbole d'une République qui accueille chacune, chacun avec ses convictions tant que cela ne trouble pas l’ordre public.
Alors, voici ma prière adressée au dieu en qui je crois, prière que je partage avec vous : que nous vivions une laïcité apaisée et accueillante, ici à Aubervilliers, que personne ne pense à quitter la ville en raison de ses convictions. 
Je suis sûr qu'alors, le rayonnement de notre ville sera vif et constant. 


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Pour laisser un commentaire