Le SEIGNEUR répondit alors à Job du sein de l’ouragan et dit :
Qui est celui qui obscurcit mon projet
par des discours insensés ?
Ceins donc tes reins, comme un brave :
je vais t’interroger et tu m’instruiras.
Où est-ce que tu étais quand je fondai la terre ?
Dis-le-moi puisque tu es si savant.
Qui en fixa les mesures, le saurais-tu ?
Ou qui tendit sur elle le cordeau ?
En quoi s’immergent ses piliers,
et qui donc posa sa pierre d’angle
tandis que les étoiles du matin chantaient en chœur
et tous les Fils de Dieu crièrent hourra ? (livre de Job, chapitre 38)
Quelle ironie dans ces mots de Dieu adressés à Job ! C'est comme s'il lui disait "Pour qui tu t'prends, mon p'tit bonhomme ?"
Le livre de Job commence par un pari sinistre : le tentateur (l'adversaire) laisse entendre que si Job aime Dieu, c'est parce qu'il en tire un bénéfice substantiel. Et Dieu relève le défi : non, l'humain qu'est Job ne l'aime que par amour, pas pour un bénéfice. On entend bien toute la puissance de cette interrogation : et nous, nos élans religieux, sont-ils purement désintéressés pour nous attacher à un Dieu inconnu et que nous aimons pourtant, dans le pari fou de la foi ? Ou cherchons-nous à en tirer quelque chose, ne serait-ce qu'une bonne image devant les autres et devant nous-mêmes ? Aucun croyant ne peut faire l'économie de ce doute. Je dirais même que la foi ne peut vivre qu'au coeur de ce doute.
D'ailleurs les amis de Job, après une période bénie de silence, de bienveillance et de compassion, vont hélas prendre la parole pour appuyer là où ça fait mal : si Job est abandonné de Dieu, c'est parce que Dieu ne veut plus rien lui donner parce qu'il a démérité. Job refuse d'y croire, mais il reste avec sa question fondamentale, brûlante et insupportable : "Pourquoi ?"
Et voilà que Dieu parle, enfin. Mais il ne répondra jamais... Il ne fait que poser des questions à son tour. Dieu, c'est celui qui vient ajouter des questions aux questions... mais de telle façon qu'il vient questionner les questions de départ. Car le cadre conceptuel dans lequel nous posons des questions est le nôtre, bien humain. Ce n'est pas celui de Dieu. Nos préoccupations nous empêcheraient-elles de faire l'effort de voir la réalité sous l'angle de Dieu ?
Peut-être. Peut-être aussi que le langage poétique du livre de Job nous permet d'entrevoir une autre réalité, parce que ces mots en appellent à autre chose que notre monde ordinaire. Ce n'est pas d'abord nous, avec nos souffrances, nos misères, nos deuils, mais aussi nos joies, nos espérances et nos créations, qui sommes là. C'est d'abord Dieu qui est là. Avec sa création, avec ses projets, avec ses paroles. Tout le reste ne vient qu'après.
Il n'est pas là pour nous faire sentir bien par rapport à nous-mêmes, il n'est pas là pour résoudre nos problèmes, il n'est pas là pour rendre le monde meilleur en claquant des doigts. D'abord, il est.
Il est là et se tourne vers nous. Comment, pourquoi, ça reste un mystère...
Finalement, peut-être qu'alors les seuls mots justes sont ceux de la prière, comme Job disant "maintenant, mon oeil t'a vu". Ou, en réponse, comme le psalmiste (Ps 139,23-24) lorsqu'il s'exclame : "Dieu ! scrute-moi et connais mon coeur ; éprouve-moi et connais mes soucis. Vois donc si je prends le chemin périlleux, et conduits-moi sur le chemin de toujours"...
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