- Qui... Oooooh ! ça alors ! mais c'est Alphonse !
- Et qui est Alphonse, si je puis me permettre ?
- T'inquiète, ce n'est pas un chat. C'est un fantôme.
- Un... ?
- Un fantôme. Une ombre. Un existant-inexistant.
- Mon humaine, tu es sûre que ça va ?
- Oui ! tu peux défrisouiller tes moustaches, tout va bien, je ne suis pas tombée sur le ciboulot au détour de la chaire. C'est un fantôme littéraire.
- Littéraire ? Fictif, tu veux dire ?
- Non, ce n'est pas la même chose. Fictif, c'est qu'il n'existe pas mais qu'on peut raconter des histoires sur lui. Littéraire, c'est qu'on raconte des histoires sur lui et que du coup il existe. Tu vois la nuance ?
- Pas du tout. Elle ne me semble d'ailleurs pas des plus académiques.
- Mon chaton, tu causes bien.
- Bon, et alors, Alphonse ?
- Alphonse, il vient de nous retrouver. Il faisait partie de notre ancienne vie, tu vois, et le voilà qui réapparaît comme par magie. La magie des mots, le grand vent du large de l'inspiration, tout ça tout ça.
- Tu es sûre, pour l'histoire du ciboulot ?
- Un peu de respect, je te prie, mon chaton. Oui, je suis sûre. Tu vois, les fantômes, ce n'est pas biblique (sauf peut-être chez Marc, quand les disciples croient voir un fantôme et que c'est Jésus qui marche sur les eaux, ou le roi Saül qui invoque l'esprit de Samuel), mais j'ai toujours trouvé que l'idée était fascinante. Qu'est-ce qui fait que, dans le monde des vivants, il y ait du non-vivant ? dans le monde des visibles, de l'invisible ? dans le monde des parlants, des muets ? etc. Ce qui m'intéresse, c'est ce que ça dit sur la condition humaine, vivante, visible, parlante, qui fantasme sur ce qui est tout autre chose qu'elle-même.
- Mouaif. Et il s'appelle Alphonse, ton fantôme, là ?
- Oui. Alphonse Morfati.
- Mfff. Bon. Bonjour, Alphonse.
- Mon chaton, tu sais qu'il n'est pas vraiment là ?
- Mais qu'il est là quand même ? Oui, j'ai compris. L'événement de discours qu'il permet existe bien, même si sa réalité objective est pour le moins incertaine.
- Mon chaton, tu m'étonneras toujours. C'est toi qui devrais être pasteur, tiens, des fois.
- Non merci. Lire la Bible avec toi c'est sympa, mais le reste c'est trop de boulot. J'aurais plus jamais le temps pour la sieste.
Fantôme chez John Kendrick Bangs |
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