samedi 24 février 2018

Et pourtant

Vers la fin de nos études de théologie, la promotion de futurs pasteurs à laquelle j'appartenais a partagé le texte qui suit. Sur le point de quitter le ministère pastoral pour cause de santé défaillante et pour répondre à un appel à servir l'Église autrement, je m'en souviens aujourd'hui avec une certaine émotion. L'auteur en est Jean Ansaldi et lorsqu'il écrit ceci, il est encore pasteur de paroisse à Uzès ; il deviendra ensuite professeur de théologie systématique à la faculté de théologie de Montpellier. L'article date de 1974, il a été publié dans la revue Études théologiques et religieuses ("Ministère pastoral en paroisse", ETR 1974/3, p. 323-333). Bien qu'un peu daté par certains détails (le pasteur au masculin, la référence à un vice-président laïc à une époque où le pasteur était quasi systématiquement le président du conseil presbytéral), il me semble aussi éclairant qu'il l'était alors, pour ceux et celles d'entre nous qui se posent la question du ministère pastoral, mais aussi pour les autres...

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Trop d'hommes sont entrés dans le ministère qui n'équilibraient leurs propres problèmes personnels que grâce au statut social du pastorat. Celui-ci s'est effondré (Dieu merci !) et il en est résulté des crises graves. La tentation est alors grande d'habiller son malaise d'un langage théologique et de retrouver un nouvel équilibre en agressant l'Eglise. C'est l'éternel destin de l'agressivité que d'être un équilibrant de l'angoisse. Il y a eu trop de souffrance chez les pasteurs et dans les Eglises pour qu'il soit encore possible d'exhorter, sans autres, les étudiants en théologie à devenir pasteur de paroisse... 

Ne le devenez pas si pour votre équilibre personnel vous avez besoin d'un statut social précis, comprenant des repères techniques, s'articulant sur des tâches claires et des pouvoirs définis. Être pasteur de paroisse, c'est accepter d'être socialement un improductif, un non-spécialiste.

Ne le devenez pas si pour votre équilibre personnel vous avez besoin de voir tôt ou tard le résultat tangible de vos efforts. Tout pasteur de paroisse vit dans une constante situation d'échec professionnel. 

Ne le devenez pas si vous ne pouvez remettre régulièrement votre vie en question dans un dialogue avec un collègue ou un vice-président de Conseil presbytéral par exemple.

Ne le devenez pas si vous êtes davantage tentés par la parole que par l'écoute, par l'abstrait que par le concret, par l'universel que par le local.

Ne le devenez pas si vous ne pensez pas pouvoir exercer une autorité réelle sans la médiation d'un certain nombre de pouvoirs. 

Ne le devenez pas... et pourtant... 

Même si vous ne répondiez pas à l'idéal ci-dessus décrit mais que vous vouliez apprendre du Christ à regarder chaque situation avec amour et espérance, alors sachez que je connais beaucoup d'hommes dans ce ministère qui n'échangeraient pas leur joie pour un plat de lentilles.
J. Ansaldi (1974)

Albrecht Dürer

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