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- Luke ! Y aurait-il moyen que tu ramènes tes grandes pattes velues et coussinettues par ici, s'il-te-plaît ?
- Mmmmmh.... Que se passe-t-il, pourquoi réveille-t-on le félin qui dort ?
- Tu as encore essayé de bloguer tout seul, non ?
- Mmmmhhh... peut-être. Pourquoi ?
- Et tu essayais de dire quoi, au juste ? La lumière a lui dans les ténèbres ? La vérité vous rendra libres ? La Parole est comme une lampe à nos pieds ? Ou juste "il n'y a plus de croquettes" ?
- Si tu veux tout savoir, je voulais parler du Jabboq.
- Le fleuve que Jacob a traversé avant de devenir Israël ? Quand il a lutté toute la nuit ? Ah oui, là j'approuve, c'est un texte extraordinaire. Même Roland Barthes a écrit dessus. Jacob a peur de passer le Jabboq pour retourner auprès de son frère ennemi. Tiraillé par ce conflit intérieur, ce passage devient une épreuve étrange, où il se trouve dans un combat au corps à corps avec un inconnu, peut-être même avec Dieu.
- Il fait d'abord passer tout ce qu'il possède et tous ceux qui dépendent de lui, sa famille et ses servantes. Et il reste seul...
- Attends, on va relire ce texte, il est trop beau. Au chapitre 32 de la Genèse, voilà :
Cette même nuit, il se leva, prit ses deux femmes, ses deux servantes, ses onze enfants et passa le gué du Jabboq. Il les prit et leur fit passer le torrent, et il fit passer aussi tout ce qu'il possédait. Et Jacob resta seul.
Et quelqu'un lutta avec lui jusqu'au lever de l'aurore. Voyant qu'il ne le maîtrisait pas, il le frappa à l'emboîture de la hanche, et la hanche de Jacob se démit pendant qu'il luttait avec lui. Il dit : "Lâche-moi, car l'aurore est levée", mais Jacob répondit : "Je ne te lâcherai pas, que tu ne m'aies béni." Il lui demanda : "Quel est ton nom ?" - Jacob, répondit-il. Il reprit : "On ne t'appellera plus Jacob, mais Israël, car tu as été fort contre Dieu, et contre les hommes tu l'emporteras." Jacob fit cette demande : "Révèle-moi ton nom, je te prie", mais il répondit : "Et pourquoi me demandes-tu mon nom ?" et, là même, il le bénit.
Jacob donna à cet endroit le nom de Penuel, "car, dit-il, j'ai vu Dieu face à face et j'ai eu la vie sauve". Au lever du soleil il avait passé Penuel et il boîtait de la hanche. C'est pourquoi les Israélites ne mangent pas, jusqu'à ce jour, le nerf sciatique qui est à l'emboîture de la hanche, parce qu'il avait frappé Jacob à l'emboîture de la hanche, au nerf sciatique."
- Moi j'aime bien ce texte, surtout parce que c'est au bord d'un fleuve, et que dans un fleuve il y a des poissons, et que les poissons c'est bon. Mais toi, mon humaine, pourquoi tu l'aimes ?
- Surtout, je crois, à cause de ce "il resta seul". Il n'a plus aucun lien humain, plus aucune possession, il est dans la solitude extrême de l'humain coupé de tout ce qui fait sa vie, son quotidien. Il est sur le point de franchir une étape cruciale, et tout peut arriver. Il ne sait pas ce qui va se passer ; j'ai même l'impression qu'il ne sait plus qui il est, ni pourquoi il est là. Et ce qui se passe, c'est finalement une expérience rare, profonde, de tout être humain : celle où un instant d'éternité, qui peut durer une seconde ou toute une nuit, décide d'une vie entière. De ce que deviendra cette vie. Il a déposé tout ce qui était lui, il s'est dépouillé de tout. Et il attend. Ce qui survient, ce n'est pas un gentil petit Dieu consolateur qui va lui faire croire qu'il va retrouver tout ce qu'il avait, et qu'il recevra bien plus encore. Non, c'est un Dieu inconnu, impossible à cerner, qui ne parle pas, mais qui lutte, et qui invite à la lutte. Avec lui, contre lui, on ne sait plus. Il se passe un grand remue-ménage, habité par une présence qui cherche à ébranler toute réalité antérieure. Et il ne se passera, à partir de là, que du nouveau. Au sortir de cette lutte, Jacob ne saura pas avec quoi il a lutté : ça n'a pas de nom. Mais tout prendra un nouveau visage. La vie qu'il découvrira ensuite ne sera pas sa vie ancienne retrouvée, mais une vie renouvelée. Et il boîtera... On ne sort pas indemne d'un instant d'éternité. Il s'y passe quelque chose qu'on ne peut pas dire avec des mots. Mais toute vie ensuite est nouvelle. Je me dis parfois que mourir, ça doit être ça aussi. Que de l'autre côté de ce Jabboq-là, il y a une vie impossible à prévoir. Mais c'est vrai aussi dans nos vies bien humaines (ou félines sans doute), dans notre quotidien : il survient de ces moments d'éternité, et nous en sortons boîteux, et autres...
- Hmmmm... mon humaine, reviens dans ma réalité, tu veux ? J'aimerais bien qu'on puisse parler simplement de ces bons poissons dans le fleuve...
- Pardon mon chaton ! Oui bien sûr, on va en parler des poissons.
- J'aime mieux ça. Des fois, tu pars dans ton truc et moi je reste tout seul et j'aime pas ça...
- Allez, gratouillis ?
- Gratouillis.
- Il fait d'abord passer tout ce qu'il possède et tous ceux qui dépendent de lui, sa famille et ses servantes. Et il reste seul...
- Attends, on va relire ce texte, il est trop beau. Au chapitre 32 de la Genèse, voilà :
Cette même nuit, il se leva, prit ses deux femmes, ses deux servantes, ses onze enfants et passa le gué du Jabboq. Il les prit et leur fit passer le torrent, et il fit passer aussi tout ce qu'il possédait. Et Jacob resta seul.
Et quelqu'un lutta avec lui jusqu'au lever de l'aurore. Voyant qu'il ne le maîtrisait pas, il le frappa à l'emboîture de la hanche, et la hanche de Jacob se démit pendant qu'il luttait avec lui. Il dit : "Lâche-moi, car l'aurore est levée", mais Jacob répondit : "Je ne te lâcherai pas, que tu ne m'aies béni." Il lui demanda : "Quel est ton nom ?" - Jacob, répondit-il. Il reprit : "On ne t'appellera plus Jacob, mais Israël, car tu as été fort contre Dieu, et contre les hommes tu l'emporteras." Jacob fit cette demande : "Révèle-moi ton nom, je te prie", mais il répondit : "Et pourquoi me demandes-tu mon nom ?" et, là même, il le bénit.
Jacob donna à cet endroit le nom de Penuel, "car, dit-il, j'ai vu Dieu face à face et j'ai eu la vie sauve". Au lever du soleil il avait passé Penuel et il boîtait de la hanche. C'est pourquoi les Israélites ne mangent pas, jusqu'à ce jour, le nerf sciatique qui est à l'emboîture de la hanche, parce qu'il avait frappé Jacob à l'emboîture de la hanche, au nerf sciatique."
- Moi j'aime bien ce texte, surtout parce que c'est au bord d'un fleuve, et que dans un fleuve il y a des poissons, et que les poissons c'est bon. Mais toi, mon humaine, pourquoi tu l'aimes ?
- Surtout, je crois, à cause de ce "il resta seul". Il n'a plus aucun lien humain, plus aucune possession, il est dans la solitude extrême de l'humain coupé de tout ce qui fait sa vie, son quotidien. Il est sur le point de franchir une étape cruciale, et tout peut arriver. Il ne sait pas ce qui va se passer ; j'ai même l'impression qu'il ne sait plus qui il est, ni pourquoi il est là. Et ce qui se passe, c'est finalement une expérience rare, profonde, de tout être humain : celle où un instant d'éternité, qui peut durer une seconde ou toute une nuit, décide d'une vie entière. De ce que deviendra cette vie. Il a déposé tout ce qui était lui, il s'est dépouillé de tout. Et il attend. Ce qui survient, ce n'est pas un gentil petit Dieu consolateur qui va lui faire croire qu'il va retrouver tout ce qu'il avait, et qu'il recevra bien plus encore. Non, c'est un Dieu inconnu, impossible à cerner, qui ne parle pas, mais qui lutte, et qui invite à la lutte. Avec lui, contre lui, on ne sait plus. Il se passe un grand remue-ménage, habité par une présence qui cherche à ébranler toute réalité antérieure. Et il ne se passera, à partir de là, que du nouveau. Au sortir de cette lutte, Jacob ne saura pas avec quoi il a lutté : ça n'a pas de nom. Mais tout prendra un nouveau visage. La vie qu'il découvrira ensuite ne sera pas sa vie ancienne retrouvée, mais une vie renouvelée. Et il boîtera... On ne sort pas indemne d'un instant d'éternité. Il s'y passe quelque chose qu'on ne peut pas dire avec des mots. Mais toute vie ensuite est nouvelle. Je me dis parfois que mourir, ça doit être ça aussi. Que de l'autre côté de ce Jabboq-là, il y a une vie impossible à prévoir. Mais c'est vrai aussi dans nos vies bien humaines (ou félines sans doute), dans notre quotidien : il survient de ces moments d'éternité, et nous en sortons boîteux, et autres...
- Hmmmm... mon humaine, reviens dans ma réalité, tu veux ? J'aimerais bien qu'on puisse parler simplement de ces bons poissons dans le fleuve...
- Pardon mon chaton ! Oui bien sûr, on va en parler des poissons.
- J'aime mieux ça. Des fois, tu pars dans ton truc et moi je reste tout seul et j'aime pas ça...
- Allez, gratouillis ?
- Gratouillis.
Eugène Delacroix, Jacob luttant avec l'ange |
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